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Le Crime du Comte Neville, d’Amélie Nothomb

Signé Bookfalo Kill

Un matin, le comte Neville doit aller récupérer Sérieuse, sa benjamine âgée de dix-sept ans, chez une voyante qui l’a trouvée frigorifiée en pleine nuit dans la forêt. Après avoir sermonné l’aimable aristocrate belge, la madame Irma (qui s’appelle en réalité Portenduère) prédit sans transition qu’il va tuer l’un de ses invités lors de la prochaine grande fête qu’il donnera dans son château.
Hélas, cette fête devait être l’apogée de l’historique bastion familial, car le comte Neville s’apprête à le vendre, incapable de l’entretenir plus longtemps comme il se doit. Rongé d’inquiétude, il se voit alors proposer une étrange solution par Sérieuse…

Nothomb - Le Crime du comte NevilleJe ne saurais déroger à la règle voulant que nous ouvrions nos chroniques consacrées à la rentrée littéraire par la présentation du Nothomb annuel. Il faut croire que vous y avez pris goût, vous aussi, puisque notre article de l’année dernière sur Pétronille est devenu la publication la plus consultée de ce blog, avec des statistiques aussi inattendues qu’hallucinantes.
Et puis, comme nous n’aurons pas souvent l’occasion de rigoler avec cette rentrée 2015, autant commencer avec un peu de gaieté et de bonne humeur littéraire – et dans ce registre, Amélie est devenue incontournable.

Le Nothomb 2015 est donc un cru léger et pétillant ; pas une cuvée inoubliable, certes, mais pas de quoi rougir. En romancière cultivée, Amélie Nothomb esquisse une aimable variation sur le Crime de Lord Arthur Savile, bref roman diabolique d’Oscar Wilde. Elle y ajoute ses ingrédients personnels : quelques larmes de Champagne, une adolescente délicatement amorale, un pneu, une réflexion – gentillette – sur le monstrueux (ici moral), des aristocrates finissants mais dignes (ça, c’est pour la partie autobiographique, car il y a du familial nothombien dans cette tribu Neville), le tout servi avec des dialogues précis comme un texte de théâtre.

Alors, non, rien de franchement nouveau ; et on pourra même déplorer des personnages quelque peu superficiels, une intrigue qui touche très vite ses limites, ce qui est un comble pour un roman aussi court ; et une fin trop rapide, exécutée en deux pages à peine. Cependant, soyons honnêtes, nous n’en sommes plus à attendre de profonds bouleversements littéraires en provenance du front belge… Amélie Nothomb est ici en service minimum, ça fonctionne et c’est déjà ça.

Le Crime du Comte Neville, d’Amélie Nothomb
Éditions Albin Michel, 2015
ISBN 978-2-226-31809-1
144 p., 15€

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Pétronille, d’Amélie Nothomb

Signé Bookfalo Kill

Bon, vous connaissez la chanson, je ne vais pas m’étendre sur le sujet outre mesure : qui dit rentrée littéraire dit Amélie Nothomb, et vice versa, voici donc le moment venu d’évoquer l’opus 2014 de la célèbre romancière chapeautée. Et cette année encore, c’est un bon cru, quoique pour des raisons différentes de la Nostalgie heureuse de l’année dernière.

Nothomb -PétronilleInscrit dans sa veine autobiographique à tendance drolatique, Pétronille relate l’amitié étrange (forcément) que noue la Belge la plus célèbre des lettres francophones contemporaines avec une jeune femme, Pétronille donc, Fanto de son patronyme, qui se présente à elle lors d’une séance de dédicaces. Nous sommes dans les années 90, au début de la carrière d’Amélie.
Il s’avère que cette Pétronille, d’apparence « si jeune » qu’elle ressemble à « un garçon de quinze ans », est une fine lettrée, étudiante en littérature élisabéthaine ; qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche, et qu’elle semble donc avoir toutes les qualités pour devenir la compagne de beuverie idéale d’Amélie Nothomb. Car, oui, l’objectif suprême de la romancière depuis qu’elle est arrivée en France est de trouver quelqu’un avec qui partager régulièrement sa boisson favorite : le champagne…

Si vous êtes un tant soit peu familiers avec l’œuvre de Nothomb, vous reconnaissez dans ce résumé des éléments clefs de nombre de ses livres. Une relation d’amitié complexe et possessive, qui suscite fatalement des dialogues de haute volée, de l’humour, du champagne… et de la littérature, car Pétronille Fanto devient elle aussi romancière, suscitant l’admiration de sa célèbre consœur. Entre deux aventures rocambolesques d’Amélie (dont une visite d’anthologie chez Vivienne Westwood) et des considérations diverses sur la France ou les libraires, la parution des livres de Pétronille, auxquels l’auteur d’Hygiène de l’assassin rend de vibrants hommages, rythme le récit.

Pétronille Fanto existe bel et bien, sous un autre nom évidemment, elle a fait paraître plusieurs romans qu’Amélie Nothomb s’amuse à déguiser sous des titres synonymes. C’est sans doute cette véracité qui rend ce nouveau livre si vif, si drôlement sincère, à défaut d’être original dans l’œuvre de l’auteure belge. Ah si, quand même, la fin, brusque et inattendue, vaut le détour et permet de quitter Pétronille sur une note aussi déconcertante que réjouissante.

Bref, pour les amateurs, un Nothomb de très bonne tenue, amusant et bien vu. En fait, Amélie a rendu le plus bel hommage qui soit à sa boisson favorite, elle a inventé la littérature champagne !

Pétronille, d’Amélie Nothomb
  Éditions Albin Michel, 2014
ISBN 978-2-226-25831-1
169 p., 16,50€


A première vue : la rentrée littéraire Albin Michel 2014

A tout seigneur tout honneur, nous ouvrons le bal des présentations de la rentrée littéraire 2014 avec l’éditeur qui a remporté le Prix Goncourt l’année dernière – pour notre plus grande joie car nous avions adoré Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre.
Comme chaque année, Albin Michel revient avec un mélange intéressant de grands romans populaires et d’œuvres plus intimistes, dont se distingue un premier roman très prometteur.

Roux - Le Bonheur national brutLA FRESQUE ALBIN MICHEL : Le Bonheur national brut, de François Roux
Cela pourrait presque devenir un genre en soi. Après Le Club des incorrigibles optimistes et La Vie rêvée d’Ernesto G. de Jean-Michel Guenassia, ou Les fidélités successives de Nicolas d’Estienne d’Orves, voici Le Bonheur national brut, premier roman de François Roux qui raconte, à travers le destin de quatre amis, la France des années 80 à nos jours. Trente ans d’histoire récente, des destins passionnants et exemplaires, un style affûté, tous les ingrédients sont là pour faire de ce gros livre un franc succès. En d’autres termes, on en attend beaucoup.

Nothomb -Pétronille (pt format)L’INCONTOURNABLE : Pétronille, d’Amélie Nothomb (lu)
Un titre et un prénom d’héroïne improbables, une histoire d’amitié possessive et complexe, du Champagne qui coule à flot, Amélie qui se met en scène au fil de 169 pages vite dévorées, c’est du Nothomb en puissance. Sans surprise, mais avec son humour et ses dialogues ciselés, c’est plutôt un bon cru.

VOYAGES :
L’Enfant des marges, de Franck Pavloff : direction Barcelone, dans les pas de Ioan, photographe de renom qui vit reclus dans les Cévennes depuis la mort de son fils en mer, et qui sort de sa retraite pour tenter de retrouver son petit-fils disparu dans la capitale catalane.
Barcelone est un décor romanesque par excellence, et l’histoire est en partie autobiographique. Cela pourrait donner un beau livre, par l’auteur de Matin Brun.
La Belle de l’étoile, de Nadia Galy : après le suicide de son amant, une femme part s’installer à Saint-Pierre-et-Miquelon, au climat rude mais aux habitants bienveillants. Elle y relit la correspondance de son homme disparu et y répond tout en se confrontant à la nature belle mais sauvage de l’île.
Le cadre original du roman est pour beaucoup dans la curiosité qu’il suscite. A voir.

SOCIÉTÉ :
Madame Diogène, d’Aurélien Delsaux : le syndrome de Diogène est une pathologie consistant à tout accumuler chez soi, à ne jamais rien jeter. Héroïne de ce premier roman, une vieille dame en est atteinte et se replie chez elle, malgré les gens, proches ou services sociaux, qui tentent de l’approcher.
Jeancourt-Galignani - L'AudienceL’Audience, d’Oriane Jeancourt-Galignani (lu) : au Texas, un professeur ne peut avoir de relations sexuelles avec ses élèves, même si ces derniers sont majeurs et consentants. Pour avoir couché avec quatre garçons de sa classe de mathématiques, Deborah Aunus est arrêtée et jugée. Les quatre jours de son procès sont l’occasion de voir défiler proches, témoins, victimes supposées, autant que d’interroger les paradoxes d’une société américaine à la fois puritaine et voyeuse.
Projet ambitieux, mais roman pas tout à fait à la hauteur. De qualité, mais pas saisissant, faute d’élever le débat comme son sujet le promettait.

HUIS CLOS : Madame, de Jean-Marie Chevrier
Une veuve aristocrate vit seule et s’attache au fils de ses fermiers, Guillaume, qu’elle a rebaptisé Willy. Elle souhaite en faire son héritier, malgré la jalousie instinctive de ses parents. Elle a perdu son fils quatorze ans plus tôt, le jour de la naissance de Willy. La date anniversaire approche et un drame se prépare…

Estienne d'Orves - La DévorationINCLASSABLE : La Dévoration, de Nicolas d’Estienne d’Orves
Comment mieux définir ce romancier que par ce qualificatif ? Capable de changer de genre comme de chemise, pas toujours convaincant, il nous avait surpris et épatés avec ses Fidélités successives. Il revient avec un roman radicalement différent, dans lequel un romancier, pressé par son éditrice de quitter son registre habituel, se passionne pour l’histoire d’un cannibale humain ayant tué et mangé sa petite amie. Voulant en faire le sujet de son prochain livre, il entreprend de se mettre dans la tête du meurtrier cannibale. Un périple potentiellement dangereux…