L’Illusion délirante d’être aimé, de Florence Noiville
Signé Bookfalo Kill
L’illusion délirante d’être aimé est l’autre dénomination du syndrome de Clérambault, affection mentale nommée d’après un aliéniste français du début du XXème siècle, Gaëtan Gatian de Clérambault, qui l’a identifiée. Elle atteint une personne soudain persuadée d’être follement aimée par une autre personne, et convaincue de devoir aimer en retour de manière inconditionnelle. Il en résulte une prise en otage psychologique, sentimentale, insoluble, qui envahit le quotidien de la personne visée par cet amour pathologique et menace son propre équilibre, tandis que le « bourreau » peut mener une vie tout à fait normale en apparence.
C’est sur ce phénomène effarant que Florence Noiville construit son nouveau roman. Laura Wilmote, journaliste vedette d’une grande chaîne de télévision culturelle, comprend peu à peu que C., une amie de classe préparatoire qu’elle a fait embaucher, fait une véritable fixette sur elle. Au point de créer une page Facebook à son nom et de se faire passer pour elle, lui faisant dire des choses qu’elle ne pense pas, au point aussi de s’habiller comme elle, de la harceler d’appels, de textos et de mails à toute heure du jour et de la nuit – tout en paraissant inchangée aux yeux de leur entourage.
Laura, également romancière, découvre alors que C. souffre du syndrome de Clérambault, et imagine d’en faire le sujet de son prochain livre. Mais la pression devient de plus en plus forte, au point de mettre en péril son couple paisible, son travail et sa santé mentale…
L’Illusion délirante d’être aimé est un roman très accessible, découpé en paragraphes souvent courts, séparés par des astérisques, ce qui donne à la fois beaucoup de rythme à la lecture et l’impression de découvrir l’histoire comme si l’on faisait un puzzle. Ce choix formel pourrait en agacer certains (il est vrai que ces astérisques à répétition ne s’imposent pas et polluent l’apparence du texte), mais si on se laisse prendre par le récit, ce qui est assez facile, on l’oublie vite. A petites touches, de la même manière que le syndrome se manifeste par étapes, on est aspiré, fasciné par cette relation pathologique, de son expression aimablement intrusive à sa facette destructrice.
Florence Noiville, journaliste comme son héroïne, a accompli un important travail d’investigation sur son sujet, qu’elle met intelligemment en abyme dans l’enquête que mène Laura. C’est tout l’intérêt de ce livre bien pensé et efficace comme un thriller, qui permet de découvrir une affection peu connue mais vraiment effroyable.
L’Illusion délirante d’être aimé, de Florence Noiville
Éditions Stock, 2015
ISBN 978-2-234-07340-1
180 p., 17,50€
A première vue : la rentrée Flammarion 2014
Chez Flammarion, on parie également sur le resserrement cette année, avec une rentrée centrée sur six auteurs en août, un septième en septembre, quelques pointures dans le lot et la promesse d’un premier roman intrigant.
LA TÊTE D’AFFICHE : Peine perdue, d’Olivier Adam
Au départ, deux événements : une tempête qui balaie la côte, et l’agression d’un joueur de foot à la veille d’un match capital pour son équipe. Vingt-deux personnages commentent et réagissent à ces deux événements.
Olivier Adam délaisse sa veine autobiographique pour un pur roman narratif en forme d’exercice de style. Si le public est de plus en plus au rendez-vous de ses livres, la critique et un prix couronneront-ils cette fois le romancier ? Ce sera en tout cas l’un des noms importants de cette rentrée 2014.
ET MOI, ET MOI, ET MOI : Une vie à soi, de Laurence Tardieu
Si elle quitte Stock, son éditeur historique, Laurence Tardieu, contrairement à Olivier Adam, continue à creuser son sillon autobiographique. Cette fois, elle se penche à nouveau sur sa vie familiale et intime après avoir visité une exposition consacrée à la photographe Diane Arbus qui la bouleverse en lui offrant une sorte de miroir sur elle-même.
GLOBE-TROTTER IMMOBILE : En face, de Pierre Demarty
Reconnu comme traducteur (notamment de Joan Didion, J.K. Rowling, T.C. Boyle ou Karen Maitland), Demarty franchit le pas et affiche sa propre plume. Sans choisir la facilité, puisqu’il conte l’histoire d’un homme qui quitte tout pour se lancer dans un voyage immobile, seulement inspiré par la maquette d’un bateau qu’il contemple inlassablement… Avec un sujet pareil, ce sera chiant ou magique. D’après les premiers retours, la balance penche du bon côté. A voir donc !
GLOBE-TROTTER COMPULSIF : Voyageur malgré lui, de Minh Tran Huy
Avez-vous déjà entendu parler de la folie du fugueur ? Maladie, névrose, en tout cas impulsion incontrôlable, elle pousse certaines personnes à marcher de manière irrépressible, à partir en voyage n’importe où et sans que cela soit prévu. En découvrant l’existence d’Albert Dadas, premier cas reconnu de cette pathologie, Line se remémore des pans de l’histoire de sa famille, dont certains membres, opprimés ou chassés de leur Vietnam natal, ont eu un rapport complexe avec le départ ou le voyage.
ENQUÊTE : L’Écrivain national, de Serge Joncour
Autre figure régulière des rentrées littéraires, Joncour raconte l’histoire d’un écrivain en résidence d’auteur, qui se met à enquêter sur un meurtre dont est accusé un couple de jeunes gens. Ne vous attendez pas à un pur polar, on parle de Serge Joncour, plutôt connu pour ses romans pleins de verve et d’humour.
DIVAN HISTORIQUE : Un secret du docteur Freud, d’Eliette Abecassis
Sigmund Freud et sa fille Anna convoquent les membres de la Société Psychanalytique pour une réunion extraordinaire. Nous sommes à Vienne, en 1938, et la menace nazi étend son ombre sur le célèbre praticien…
PAGE D’HISTOIRE : Les inoubliables, de Jean-Marc Parisis
Réfugiée dans un village de Dordogne depuis des années, une famille juive est arrêtée et déportée en mars 1944. Un récit historique qui s’intéresse autant au drame qu’à la vie de la commune durant les années de guerre. A paraître le 17/09, un roman sans doute fort et touchant.