Le Serment, d’Arttu Tuominen

Éditions de la Martinière, 2021
ISBN 9782732496665
448 p.
22 €
Verivelka
Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail
Ils sont trois : un cadavre lardé de coups de couteaux, un suspect errant les mains ensanglantées à l’orée d’un bois et l’inspecteur chargé de l’enquête. Trois hommes qui se connaissaient ; trois hommes qui ne s’étaient pas revus depuis vingt-sept ans.
Dans les prairies sauvages de Finlande ressurgissent les souvenirs d’une enfance féroce, les traumatismes du passé. Entre les courses à vélo et les vengeances à la sortie de l’école, un pacte de sang a été scellé. Un serment qui se rappellera à eux trois décennies plus tard.
Si vous aimez les polars nordiques fidèlement… nordiques, Le Serment pourrait vous contenter, à condition que vous n’ayez pas le sentiment d’avoir fait le tour du registre depuis longtemps.
Tous les ingrédients classiques sont réunis ici : une météo hostile (froid, boue, pluie), des décors bruts et fascinants, une lenteur endémique de la narration, des personnages rugueux et des secrets touffus. Rien de nouveau sous le (rare) soleil du Grand Nord, on connaît tout ceci depuis longtemps – j’allais dire Mankell, référence évidente d’Arttu Tuominen et grand maître incontestable du genre, mais on peut même remonter au duo fondateur Sjöwall & Wahlöö sans craindre de se tromper.
Quel intérêt particulier donc dans ce Serment ? Le fait, pour commencer, qu’il vienne de Finlande, pays sans doute le moins représenté du quintette glacé (avec la Suède, la Norvège, le Danemark et l’Islande). Cela ne bouleverse pas la donne, mais c’est un détail notable.
Non, le plus intéressant, en réalité, c’est le traitement du sujet principal du roman. Le fait de confronter le protagoniste à un dilemme particulièrement difficile à résoudre : choisir entre sa conscience professionnelle – d’autant plus qu’il se retrouve responsable d’enquête pour la première fois – et une part essentielle de son passé, nichée dans son enfance.
En ce sens, le personnage du commissaire Jari Paloviita est particulièrement bien dessiné, et si l’on s’attache avant tout à ses failles, si l’on suit ses choix et ses décisions avec curiosité, voire avec empathie, c’est parce qu’ils permettent de faire tenir l’essentiel du suspense sur le fil ténu des sentiments et des convictions d’enfance – mises en scène dans des flashbacks consistants, au ton très juste, qui deviennent vite plus importants que l’enquête. Et la fin, solide, vient couronner ce cheminement avec un aplomb louable.
Débutant dans l’ombre des plus grands, Le Serment finit sur la longueur pour imposer sa voix, en jouant la carte de l’humanité et de l’émotion avec pudeur et subtilité. Plutôt une bonne surprise, au bout du compte.
Steven Spielberg : une rétrospective, de Richard Schickel
Signé Bookfalo Kill
En chantant les louanges de Clément Safra et de son Dictionnaire Spielberg l’année dernière, j’ai dû vous laisser entendre ma passion personnelle pour le réalisateur de Minority Report. Alors, oui, n’y allons pas par quatre chemins : oui, je suis fan de Steven Spielberg.
Me pardonneront, je l’espère, ceux qui ne peuvent pas supporter le cinéma spectaculaire, volontiers commercial (mais pas que), parfois sentimental (mais pas que… heureusement !) de celui qui est l’une des figures incontournables de Hollywood. Il y en a, je le sais, sans doute même parmi vous, fidèles lecteurs. Ce n’est pas grave, restons amis. Et je vais essayer de ne pas vous embêter trop longtemps avec ma marotte, promis.
Mais tout de même, je voulais dire un mot d’un nouveau gros et beau livre qui vient de paraître aux éditions de la Martinière, intitulé tout simplement Steven Spielberg : une rétrospective. Déjà auteur d’un ouvrage similaire sur Clint Eastwood ou d’entretiens avec Martin Scorsese, le vénérable Richard Schickel, éminent critique du Time, ajoute donc le cinéaste américain le plus influent et le plus puissant d’Hollywood à son tableau de chasse.
Sa méthode est simple : après une introduction consacrée à la jeunesse du réalisateur, Schickel déroule son œuvre de manière chronologique, présentant et analysant chaque film l’un après l’autre, en s’appuyant sur les nombreux entretiens qu’il a eus avec Spielberg himself. Le résultat n’est pas dénué de réserve, contrairement à ce que ce choix pourrait laisser craindre – les premiers reproches sortant de la bouche du cinéaste lui-même d’ailleurs.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’un ouvrage d’analyse critique, avec la distance générale que cela impliquerait. On pourra d’ailleurs ne pas être d’accord avec l’opinion laudatrice de Shickel sur certains films, comme par exemple le dernier en date, le lourdingue Cheval de guerre – d’ailleurs bizarrement encensé par une critique française pourtant prompte pendant trente ans à flinguer Spielberg, jusqu’à ce que son acharnement à rester sur le devant de la scène finisse par lui attirer son respect et sa reconnaissance…
L’aspect « beau livre », avec ses quelques 400 photographies et illustrations, dont beaucoup de peu connues, rappelle qu’il s’agit avant tout d’un ouvrage destiné à célébrer l’œuvre curieuse, protéiforme, d’un réalisateur qui hésite de plus en plus entre méga-productions et films intimistes, blockbusters au premier degré et sujets sombres, souvent historiques.
De quoi contenter avant tout les amateurs de l’univers de Steven Spielberg, dont ils liront au début du livre une préface qui lui ressemble : humble, passionnée et humaniste.
Steven Spielberg : une rétrospective, de Richard Schickel
Préface de Steven Spielberg
Éditions de la Martinière, 2012
ISBN 978-2-7324-4986-9
280 p., 35€