Le Roi, de Donald Barthelme
Signé Bookfalo Kill
Arthur est roi de Bretagne. Les Chevaliers de la Table Ronde vaquent à leurs activités – se battre en duel, courir le pays à cheval pour repousser les ennemis du royaume, sauver puis courtiser les demoiselles en détresse. Délaissée par son mari, trop occupé par sa tâche, comme par son amant Lancelot, Guenièvre se morfond…
L’histoire est connue, certes. Sauf que nous sommes en plein milieu du XXème siècle, que la Seconde Guerre mondiale fait rage et que Winston Churchill est Premier Ministre.
Les éditions Cambourakis ont encore exhumé un drôle de paroissien. L’œuvre de Donald Barthelme (1931-1989) a déjà été largement publié en France, dès les années 70, et Le Roi, écrit posthume de l’auteur, ne fait d’ailleurs pas exception, puisque Denoël l’avait édité en 1992. Néanmoins cet auteur reste sans doute un inconnu pour la plupart des lecteurs hexagonaux, et cette réédition est l’occasion de (re)découvrir un écrivain aussi réjouissant que déconcertant.
Barthelme est souvent rattaché par la critique au mouvement postmoderniste, qui constitue, pour résumer, en une rupture avec le réalisme narratif cher au XIXème siècle littéraire, un goût pour le pastiche et en une recherche autour de la forme du fragment. Autant d’éléments que l’on retrouve en effet dans le Roi, construit comme un roman, avec une sorte de continuité narrative menant plus ou moins d’un début à une fin ; mais également déconstruit, puisque constitué de chapitres apposés les uns aux autres sans évolution évidente, et sans effort de récit flagrant non plus.
On est même proche d’une écriture théâtrale, puisque chaque chapitre s’ouvre sur une description très rapide du contexte, avant de dérouler des dialogues à peine interrompus de temps en temps par des « didascalies ».
Parodie de la forme, mais aussi pastiche du fond, bien sûr, avec la mise en scène totalement décalée des Chevaliers de la Table Ronde, leurs codes, leurs rituels et leur langue surannée, en plein coeur de la Seconde Guerre mondiale et de sa violence sans retenue ni honneur, incarnée par la bombe atomique.
Si l’effet humoristique est assuré d’emblée, on n’est pas non plus chez les Monty Python. L’absurde pointe souvent le bout de son nez, mais c’est un absurde existentialiste, impavide mais teinté de désespoir – là où la bande à Gilliam redéfinissait les limites apparemment infinies du nonsense britannique pour nous faire pleurer de rire sans retenue.
Il y aurait encore beaucoup à dire au sujet de ce roman – sur la richesse de son intertextualité littéraire et historique, sur l’art de l’ironie dans l’écriture de Donald Barthelme… -, mais comme je ne suis pas là pour vous assommer avec une thèse, je vous laisse juge. Ferez-vous de ce Roi votre Excalibur, que vous retirerez triomphalement de l’étagère de votre libraire ?…
Le Roi, de Donald Barthelme
Traduit de l’américain par Isabelle Chedal et Maryelle Desvignes
Éditions Cambourakis, 2013
ISBN 978-2-36624-043-6
162 p., 10€
18 juin 2013 | Catégories: Romans Etrangers | Tags: Arthur, Cambourakis, Cannibales Lecteurs, Chevaliers de la Table Ronde, Churchill, décalage, Donald Barthelme, Ezra Pound, Gauvain, Guenièvre, histoire, humour, Lancelot, Le Roi, Monty Python, Mordred, parodie, pastiche, Seconde Guerre mondiale | Poster un commentaire