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A première vue : la rentrée Albin Michel 2018

Et allez, c’est reparti pour une tournée de seize ! Comme l’année dernière, Albin Michel joue la rentrée façon arrosage à la kalach’, Gallimard style, histoire de balayer la concurrence par sa seule omniprésence sur les tables des librairies. Côté qualité, on se pose sans doute moins la question, mais c’est un autre débat – pour s’amuser tout de même, il peut être intéressant de rejeter un œil sur la rentrée Albin 2017, histoire d’analyser les titres qui ont survécu dans nos mémoires à l’année écoulée… Oui, le résultat ne sera pas forcément flatteur.
Néanmoins, on a envie de retenir quelques titres dans ce programme 2018, d’attendre avec curiosité, voire impatience, quelques auteurs (coucou Antonin Varenne) lancés dans la tornade. Et ce sont ceux-là, et ceux-là seulement, que je mettrai en avant, poussant le plus loin possible la subjectivité et l’éventuelle mauvaise foi qui président à l’exercice « à première vue » ; les autres n’auront droit qu’au résumé sommaire offert par le logiciel professionnel Electre, loué soit-il. Je vous ai déjà fait perdre assez de temps comme cela depuis début juillet !
Du coup, cela devrait aller assez vite…

Varenne - La Toile du mondeEXPO 00 : La Toile du monde, d’Antonin Varenne
Le plus attendu en ce qui me concerne – je ne me suis toujours pas remis du souffle extraordinaire et de l’audace aventurière de Trois mille chevaux vapeur. Après Équateur, où l’on recroisait Arthur Bowman, héros du précédent évoqué, nous découvrons ici Aileen Bowwan, fille d’Arthur, journaliste au New York Tribune dont la réputation scandaleuse tient à la liberté flamboyante avec laquelle elle mène sa vie. En 1900, elle débarque à Paris pour couvrir l’Exposition Universelle. Son immersion dans la Ville Lumière en pleine mutation est l’occasion d’une confrontation entre mondes anciens et nouveaux…
Rien que pour le plaisir, la première phrase : « Aileen avait été accueillie à la table des hommes d’affaires comme une putain à un repas de famille, tolérée parce qu’elle était journaliste. » Très envie de lire la suite. On en reparle, c’est sûr !

Chaon - Une douce lueur de malveillanceSPLIT : Une douce lueur de malveillance, de Dan Chaon
(traduit de l’américain par Hélène Fournier)
Charybde ou Scylla ? Pour le psychiatre Dustin Tillman, le choix semble impossible. D’un côté, il apprend que, grâce à des expertises ADN récentes, son frère adoptif vient d’être innocenté du meurtre d’une partie de sa famille, trente ans plus tôt – condamnation dans laquelle Dustin avait pesé en témoignant contre Rusty. De l’autre, il se laisse embarquer dans une enquête ténébreuse, initiée par l’un de ses patients, policier en congé maladie, sur la disparition mystérieuse de plusieurs étudiants des environs tous retrouvés noyés. Ou comment, d’une manière ou d’une autre, se donner tous les moyens de se pourrir la vie… Avec un titre et un résumé pareils, Dan Chaon devrait nous entraîner dans des eaux plutôt sombres. A voir également.

Roux - FrackingERIN BROCKOVICH : Fracking, de François Roux
J’avais beaucoup aimé le Bonheur national brut, Tout ce dont on rêvait m’avait en revanche laissé plutôt indifférent. Où se situera François Roux cette fois ? Pour ce nouveau livre, il part aux États-Unis pour raconter le combat d’une famille contre les géants du pétrole et leurs pratiques abominables au Dakota.

Hosseini - Une prière à la merENTRE DEUX MONDES : Une prière à la mer, de Khaled Kosseini
(traduit de l’anglais par Valérie Bourgeois, illustrations de Dan Williams)
Par l’auteur des superbes Cerfs-volants de Kaboul, un texte en hommage aux réfugiés syriens qui prend la forme d’une lettre adressée par un père à son fils en train de dormir, longue prière pour que leur traversée vers « l’Eldorado » européen se déroule sans encombre, et récit de la métamorphose d’un pays en zone de guerre.

Enia - La loi de la merÀ L’AUTRE BOUT DU MONDE : La Loi de la mer, de Davide Enia
(traduit de l’italien par Françoise Brun)
Davide Enia fait le lien avec le texte de Hosseini, puisqu’il campe son nouveau livre à Lampedusa, pointe de l’Europe méditerranéenne où aboutissent nombre de réfugiés maritimes. Pendant trois ans, le romancier italien a arpenté la petite île pour y rencontrer tous ceux qui en font la triste actualité : les exilés bien sûr, mais aussi les habitants et les secouristes.

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Hollinghurst - L'Affaire SparsholtLE CŒUR ET LA RAISON : L’Affaire Sparsholt, d’Alan Hollinghurst
(traduit de l’anglais par François Rosso)
Oxford, automne 1940. David Sparsholt, athlétique et séduisant, commence son cursus universitaire. Il semble ignorer l’effet qu’il produit sur les autres, notamment sur le solitaire et romantique Evert Dax, fils d’un célèbre romancier. Aux heures les plus sombres du Blitz, l’université devient un lieu hors du temps où se nouent des liaisons secrètes et des amitiés durables.

Hoffmann - Les belles ambitieusesGENTIL COQUELICOT MESDAMES : Les belles ambitieuses, de Stéphane Hoffmann
Énarque et polytechnicien, Amblard Blamont Chauvry a tourné le dos à la carrière qui s’ouvrait à lui et a choisi de se consacrer aux plaisirs terrestres. Un tel choix de vie provoque la colère des femmes de son entourage qui manœuvrent dans l’ombre pour lui obtenir une position sociale. Insensible à leurs manigances, Amblard se laisse troubler par Coquelicot, une jeune femme mystérieuse.

Hardcastle - Dans la cageFIGHT CLUB : Dans la cage, de Kevin Hardcastle
(traduit de l’anglais (Canada) par Janique Jouin)
La domination de longue haleine de Daniel sur les rings de free fight est anéantie par une grave blessure à l’œil qui l’oblige à arrêter le sport de combat. Il se marie alors avec une infirmière avec laquelle il a une petite fille et devient soudeur. Quelques années plus tard, le couple peine à gagner sa vie. David s’engage alors comme garde du corps puis reprend les arts martiaux. Premier roman.

Toledano - Le retour du phénixIKKI : Le Retour du Phénix, de Ralph Toledano
Juive d’origine marocaine, Edith épouse Tullio Flabelli, un prince romain. Dix ans plus tard et après la naissance de ses trois enfants, Edith réalise qu’elle n’est pas heureuse dans son mariage. Elle convainc son époux de passer l’été à Jérusalem avec elle. Ils retrouvent leur entente d’antan mais sont déçus par l’atmosphère qui règne en ville où le paraître l’emporte sur l’être.

Bleys - Nous les vivantsI SEE DEAD PEOPLE : Nous, les vivants, d’Olivier Bleys
Bloqué par une tempête lors d’une mission de ravitaillement des postes de haute montagne de la cordillère des Andes, un pilote d’hélicoptère installe un campement de fortune. Rejoint par Jésus qui entretient les bornes délimitant la frontière entre l’Argentine et le Chili, il entreprend une randonnée qui se change peu à peu en expérience mystique.

Picouly - Quatre-vingt-dix secondesNUÉE ARDENTE : Quatre-vingt-dix secondes, de Daniel Picouly
En 1920, la montagne Pelée se réveille. Le volcan prend la parole et promet de raser la ville et ses environs afin de punir les hommes de leurs comportements irrespectueux.

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Et encore… :

Ce cœur qui haïssait la guerre, de Michel Heurtault
En Allemagne, au lendemain de l’armistice de 1918. Anton, jeune ingénieur, se passionne pour la conquête spatiale et obtient un poste pour travailler sur une fusée financée par l’armée. Une place qui met à mal son désir de neutralité face à la montée du nazisme. Deux femmes parmi ses proches l’amènent à s’interroger sur son engagement politique et à prendre position.

Concours pour le Paradis, de Clélia Renucci
Venise, 1577. La fresque du paradis sur les murs du palais des doges a disparu lors d’un incendie. Un concours est lancé pour la remplacer auquel participent les maîtres de la ville dont Véronèse, Tintoret et Zuccaro. Entre rivalités artistiques et déchirements religieux, les peintres mettent tout en oeuvre pour séduire la Sérénissime et lui offrir une toile digne de son histoire. Premier roman.

Le Malheur d’en bas, d’Inès Bayard
Marie et son époux Laurent sont heureux jusqu’au jour où la jeune femme est violée par son directeur. Elle se tait mais découvre peu de temps après qu’elle est enceinte. Persuadée que cet enfant est celui de son agresseur, elle s’enferme dans un silence destructeur qui la pousse à commettre l’irréparable. Premier roman.

Une vie de pierres chaudes, d’Aurélie Razimbaud
A Alger, Rose est séduite par Louis, jeune ingénieur au comportement étrange. Ils se marient et ont une fille. Pourtant, Louis semble malheureux et se réveille chaque nuit, hanté par les souvenirs de la guerre d’Algérie. Au début des années 1970, la famille s’installe à Marseille mais Louis est toujours perturbé. Rose découvre qu’il mène une double vie depuis des années. Premier roman.

Les prénoms épicènes, d’Amélie Nothomb
Le récit d’une relation fille-père. Des prénoms portés au masculin comme au féminin.
(Bref.
Rien qu’à cause de son titre, ce Nothomb-là, je pense que je vais faire l’impasse. Certains de ses précédents romans m’ont trop agréablement surpris pour risquer une rechute.)


On lira sûrement :
La Toile du monde, d’Antonin Varenne
Une douce lueur de malveillance, de Dan Chaon

On lira peut-être :
Fracking, de François Roux
Une prière à la mer, de Khaled Kosseini
La Loi de la mer, de Davide Enia


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A première vue : la rentrée Seuil 2018

Décidément, à l’image de l’ensemble de ce cru 2018 (à première vue du moins), certaines rentrées littéraires se suivent et ne se ressemblent pas. Si les éditions du Seuil gardent le contrôle de leur production (neuf titres encore cette année, six francophones et trois étrangers), sur le papier rien ne me fait particulièrement papillonner des yeux – à la différence de l’année dernière, donc, où Ron Rash et Kaouther Adimi m’avaient enthousiasmé. Rien n’est joué, bien sûr, il y aura peut-être de belles lectures inattendues, mais à l’heure où j’écris ces lignes, disons que je garde mon calme. Au risque d’être heureusement surpris !

Pluyette - La Vallée des dix mille fuméesLE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS… : La Vallée des Dix Mille Fumées, de Patrice Pluyette
Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on a déjà tout vu et tout vécu. Pour Monsieur Henri, au contraire, il semblerait qu’il soit temps de tout reprendre à zéro, de s’émerveiller d’un rien, et de rêver d’horizons lointains. Le titre du roman est joli et aguicheur, l’univers de Pluyette est réputé pour être fantasque et imaginatif : il y a peut-être moyen ici de s’embarquer pour un voyage enchanteur.

Mabanckou - Les cigognes sont immortellesSAGA AFRICA : Les cigognes sont éternelles, d’Alain Mabanckou
C’est la tête d’affiche de la rentrée pour le Seuil. Figure de la littérature francophone, le Congolais Alain Mabanckou propose un roman ambitieux, mettant en parallèle la Grande Histoire – l’assassinat du président Ngouabi à Brazzaville en 1977 – et la petite histoire – celle, inventée, de Maman Pauline, Papa Roger et du jeune et rêveur Michel qui vivent à Pointe-Noire -, pour évoquer la situation si complexe du continent africain. Un livre dont on pourrait causer pour les prix littéraires, tiens. Mais peut-être aussi pour ses qualités littéraires et son intérêt, espérons-le.

Diop - Frère d'âmeAU REVOIR LÀ-BAS : Frère d’âme, de David Diop
Un matin de Première Guerre mondiale, des soldats français jaillissent de leurs tranchées pour assaillir l’ennemi allemand. Parmi eux, Alfa et Mademba, deux tirailleurs sénégalais. Mademba tombe durant l’attaque sous les yeux de son ami. Resté seul, Alfa se consacre corps et âme au combat et à la violence, sans aucune limite, au point d’effrayer ses compagnons de lutte et de provoquer son renvoi à l’Arrière… Un bref premier roman (176 pages) qui aborde la Grande Guerre du point de vue africain, voilà qui mériterait sans doute un coup d’œil.

Taillandier - Par les écrans du mondeI WANT MY MTV : Sur les écrans du monde, de Fanny Taillandier
Un vieil homme laisse un message téléphonique à ses deux enfants pour leur annoncer sa mort prochaine. Son fils est chargé de la sécurité de l’aéroport de Boston, sa fille mathématicienne calcule les risques pour une agence d’assurances dont les bureaux se trouvent dans le World Trade Center. Nous sommes à l’aube du 11 septembre 2001. Notre rapport visuel à l’Histoire est sur le point de changer à tout jamais.

Korman - MidiNOUS SOMMES DE L’ÉTOFFE DONT SONT FAITS LES RÊVES : Midi, de Cloé Korman
Troisième roman de Cloé Korman, Midi s’ouvre sur les retrouvailles entre Claire, médecin dans un hôpital parisien, et Dominique, son ancien amant désormais patient hospitalisé et condamné par la maladie. Quinze ans plus tôt, ils s’étaient rencontrés dans un théâtre associatif à Marseille, où ils encadraient des enfants apprenant à jouer la Tempête de Shakespeare. Parmi les minots, une fillette semblait un peu à part, en quête d’aide…

Manoukian - Le Paradoxe d'AndersonRAINING STONES : Le Paradoxe d’Anderson, de Pascal Manoukian
Ancré dans l’Oise, un roman social mettant en scène deux parents ouvriers dont les usines délocalisent au même moment. Sa vie et son avenir en danger, le couple fait néanmoins tout pour protéger ses enfants de l’effondrement de leur petit monde. Grandeur passée et déchéance présente du monde ouvrier en France.

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O'Neill - Les enfants de coeurGARANCE ET BAPTISTE : Les enfants de cœur, de Heather O’Neill
(traduit de l’anglais (Canada) par Dominique Fortier
A Montréal, durant l’hiver 1914, deux enfants recueillis dans le même orphelinat tombent amoureux, d’autant plus éperdument qu’ils sont différents des autres. Lui est un pianiste de génie, elle une mime exceptionnelle. Séparés par l’adolescence puis par la Grande Dépression qui assèche le monde, ils n’auront pourtant de cesse de se retrouver… Un conte qui pourrait évoluer quelque part entre les univers de Tim Burton et Mathias Malzieu.

Coetzee - L'Abattoir de verreTATIE DANIELLE : L’Abattoir de verre, de J.M. Coetzee
(traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Georges Lory)
Prix Nobel de Littérature en 2003, Coetzee suit une vieille femme, écrivain, qui assume son choix de rester en Australie, loin de ses enfants, pour se confronter dans une solitude sereine et clairvoyante à la mort qui s’approche. Le romancier renoue entre les lignes avec son personnage d’Elizabeth Costello, pour ce qui s’annonce comme un exercice de dépouillement littéraire.

Orlev - VoyouTU METS LE DÉSORDRE PARTOUT : Voyou, d’Itamar Orlev
(traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz)
Après le départ de sa femme, Tadek décide de quitter Jérusalem, où il vit, pour retrouver en Pologne son père qu’il n’a pas vu depuis des années. L’homme qu’il retrouve n’est plus qu’une épave, loin du tyran violent et alcoolique qu’il était du temps de la jeunesse de Tadek. Le fils et le père entreprennent alors, durant une semaine, le long et ardu chemin vers un hypothétique pardon.


On lira peut-être :
La Vallée des Dix Mille Fumées, de Patrice Pluyette
Les enfants de cœur, de Heather O’Neill



A première vue : la rentrée Gallmeister 2016

Un nouvel éditeur fait son apparition dans la rubrique « à première vue » ! Et non des moindres, puisqu’il s’agit de Gallmeister, l’excellente maison exclusivement dédiée à la littérature américaine, fondée et animée par Oliver Gallmeister, l’homme qui a su dénicher David Vann, Craig Johnson, Pete Fromm, Edward Abbey, Jake Hinkson, Benjamin Whitmer, Jim Tenuto (entre beaucoup d’autres) ou redonner leurs lettres de noblesse à Trevanian, Ross MacDonald ou James Crumley.
Entre ses différentes collections (Americana, Nature Writing, Néonoir ou les poches chez Totem), Gallmeister figurera largement dans cette rentrée 2016, sans excès comme à son habitude, mais avec toujours autant de variété et de qualité potentielle. Il serait donc dommage de s’en priver !

* Collection Americana *

Dunn - Amour monstreLE FREAK, C’EST CHIC : Amour monstre, de Katherine Dunn (18 août)
A la tête d’un spectacle itinérant, Al et Lil Binewski mettent tout en oeuvre pour faire de leurs enfants les vedettes du show. Mais quelles vedettes ! En les gavant d’amphétamines et en les faisant pousser sous des radiations peu recommandables, ce sont de véritables monstres de foire qu’ils alignent sur la piste. Mais les Binewski n’en sont pas moins une famille comme les autres, avec ses problèmes et ses rivalités à gérer… Tout un programme pour ce roman culte aux États-Unis depuis longtemps, déjà édité par Pocket dans les années 90 (sous le titre Un amour de monstre) mais passé inaperçu. Retraduit par l’excellent Jacques Mailhos, ce livre se voit offrir une deuxième chance qu’il ne faudrait sans doute pas laisser passer.

* Collection Nature Writing *

Holbert - L'Heure de plombICE STORM : L’Heure de plomb, de Bruce Holbert (1er septembre)
1918, Etat de Washington. A la suite d’une tempête de neige dévastatrice qui emporte son frère et son père, Matt Lawson se retrouve à 14 ans à la tête du ranch familial. Obligé de prendre ses responsabilités, Matt doit poursuivre l’oeuvre familiale, apprendre à connaître la nature qui l’environne, et maintenir la cohésion de ses proches… Par l’auteur d’Animaux solitaires, déjà publié par Gallmeister.

Vann - AquariumLA VIE PARFOIS FAIT PLOUF : Aquarium, de David Vann (3 octobre)
Après Goat Mountain et Dernier jour sur terre, parus simultanément en France, David Vann a assuré en avoir terminé avec ses histoires terribles de filiation et de paternité où les armes jouaient un rôle fatal. Ce nouveau roman semble confirmer une nouvelle voie, en racontant la rencontre d’une fillette de douze ans et d’un vieil homme à l’Aquarium de Seattle, où leur amour commun des poissons noue leur amitié. Mais lorsque la mère de Caitlin découvre cette relation, elle se voit obligée de dévoiler à sa fille un terrible secret qui les lie à cet homme… Jamais remis du choc Sukkwan Island, je suis donc très curieux et excité de découvrir une autre facette du talent de David Vann.

* Collection Néonoir *

Taylor - Le Verger de marbreAPOCALYPSE NOW : Le Verger de marbre, d’Alex Taylor (18 août)
Mauvaise pioche pour le jeune Beam Sheetmire : obligé de tuer un homme qui l’agressait, il réalise qu’il s’agit du fils d’un caïd local. Avec l’aide de son père, Beam prend la fuite, tandis que le caïd et le shérif se lancent à sa poursuite… Du noir de chez noir, c’est forcément chez Néonoir ! Buzz très positif cet été chez les libraires au sujet de ce roman.

CRIME UNLIMITED : Le Bon fils, de Steve Weddle (3 octobre)
Après dix ans passés en prison, un homme revient chez lui pour réaliser que, dans cette région dévastée par la crise économique, il n’y a pas de meilleur avenir que celui de tueur…

* Collection Totem *

Vonnegut - Nuit mèreL’ŒIL DE TAUPE : Nuit mère, de Kurt Vonnegut (18 août)
Inédit en français, ce roman rapporte les confessions fictionnelles d’un dramaturge américain, dans l’attente de son procès à Jérusalem pour crime de guerre, accusé d’avoir été l’un des défenseurs les plus zélés du régime nazi. Mais il affirme être innocent et avoir été un agent infiltré des Alliés en Allemagne…

Un coup d’oeil rapide aux autres sorties, parutions en poche de titres de la maison : Animaux solitaires, de Bruce Holbert (1er septembre) ; Impurs, de David Vann (3 octobre) ; Le Gang de la clef à molette, d’Edward Abbey (3 octobre) ; Traité du zen et de la pêche à la mouche, de John Gierach (4 novembre).


Le Royaume, d’Emmanuel Carrère

Aujourd’hui, pour la première fois, les Cannibales Lecteurs ont l’honneur de laisser la plume à une invitée ! Nous sommes donc très heureux d’accueillir Paula Gray sur notre page (oui oui, cherchez bien, il y a une référence cannibale dans ce nom…)
Et à dispositif exceptionnel, article exceptionnel, aussi bien par son sujet que par sa longueur, nécessaire pour en faire le tour. Voici LA chronique sur LE gros roman médiatique de la rentrée, celui dont les journaux ont parlé avec un enthousiasme fatalement un peu suspect, à force : l’incontournable
Royaume d’Emmanuel Carrère.


A un moment de ma vie, j’ai cru en Emmanuel Carrère. J’ai cru qu’il était un des meilleurs écrivains contemporains français. Cela a duré sept ans. C’est passé.

Comme vous le laisse supposer ce pastiche de la quatrième de couverture du Royaume, je n’ai pas aimé ce livre. Et pourtant je voulais l’aimer.
J’ai dévoré L’Adversaire et D’autres vies que la mienne. L’Adversaire m’a éblouie tant dans sa forme que dans son contenu.

Carrère - Le RoyaumeQuand j’ai lu le résumé du Royaume, j’ai été fortement alléchée. J’imaginais quelque chose à la hauteur de l’Adversaire, quelque chose où Carrère allait décortiquer la foi chrétienne de l’extérieur et l’éclairer.
Puis j’ai entendu Emmanuel Carrère dans les médias et j’ai eu peur. Qu’il soit passé complètement à côté de son sujet.

La première partie du Royaume parle principalement d’Emmanuel Carrère, de « sa période chrétienne » et du malaise qu’il a à y repenser aujourd’hui. Elle fait 140 pages environ. C’est très long. On comprend lors de la deuxième partie sur Paul que Carrère a voulu expliquer « d’où il parle ». C’est très honorable mais c’est beaucoup trop long. D’autant plus que les principaux éléments ont été repris par les médias et qu’il reste peu de choses inédites à découvrir dans cette partie.
Parfois, quand même, Emmanuel Carrère tape là où ça fait mal, comme sur la question de l’affrontement entre la psychanalyse et la foi. Mais c’est malheureusement trop fugace. Frustration.

Puis en trois parties, Emmanuel Carrère nous raconte les débuts du christianisme. Il fait des efforts pour jouer à l’historien, il cite ses sources, il cite la Bible, il donne des traductions personnelles, il tente des rapprochements avec l’histoire du XXème siècle pour mieux éclairer la psychologie des personnages de l’époque. Mais la mayonnaise ne prend pas. Tristesse.
Tout d’abord parce que malheureusement, malgré tous ses efforts, il n’est pas historien. Il se permet des raccourcis embarrassants, telle cette comparaison hasardeuse p.164 entre le sort de Jésus condamné à la crucifixion et la pédophilie.

« Pour continuer à transposer, c’est comme si on annonçait que le sauveur du monde, en plus de s’appeler Gérard ou Patrick, a été condamné pour pédophilie. » *

J’ai aussi littéralement sauté sur mon siège quand à la page 526 Emmanuel Carrère nous « apprend » que les Juifs « appellent « Mur des Lamentations » le seul vestige du Temple après sa destruction par les Romains. C’est l’inverse : les Juifs appellent « Mur Occidental », ce que nous occidentaux chrétiens appelons « Mur des Lamentations » ;  n’importe qui ayant visité Jérusalem (comme le prétend Emmanuel Carrère) le sait. Malaise.

Pour être tout à fait honnête, j’ai quand même appris des choses. Mais je me suis dans l’ensemble beaucoup ennuyée à la lecture de ces 640 pages (et croyez-moi je suis experte en bouquins de catéchisme).
En fait c’est quasiment l’Évangile selon Emmanuel – ou l’Évangile pour les nuls, c’est comme vous préférez – : presque tous les épisodes connus de la Bible sont « racontés ». Le problème est que cela n’a que peu d’intérêt (autant lire la Bible tout de suite, le vocabulaire et le style des Évangiles sont en général assez accessibles), car le style du Royaume est plutôt plat et la langue d’une grande pauvreté.

Et c’est le gros problème du livre. Il n’y a aucune recherche stylistique, on a l’impression de lire un essai, mais qui n’est pas vraiment un essai non plus car l’auteur y parle quand même beaucoup (surtout ?) de lui.  La pauvreté de la langue est, je crois, ce qui m’a le plus déçue, éblouie que j’avais été par les romans précédents  de cet auteur (où la construction du roman et la peinture psychologique étoffée des « personnages » palliait la platitude occasionnelle du style).

Cependant, il semblerait que le roman puisse plaire à une petite frange de lecteurs, qui sont légion dans les rédactions et chez les critiques littéraires apparemment. Tous ces catholiques qui « sont croyants mais pas pratiquants », qui ne vont à la messe qu’à Noël et Pâques, qui font baptiser leurs enfants mais ne les envoient pas au caté, qui font leur religion à leur sauce en exigeant de l’Église qu’elle leur passe tous leurs caprices alors qu’eux ne s’y engagent jamais, et tous ceux qui ont une relation sincère mais ambigüe avec le christianisme, tous ceux-là peuvent trouver leur compte dans ce livre, réviser leurs notions de catéchisme oubliées ou lacunaires et trouver un peu de réconfort dans leur position le cul entre deux chaises (l’Église tu l’aimes ou tu la quittes).
A conseiller donc à vos connaissances qui sont curieux du christianisme mais qui n’aiment ni l’histoire ni la littérature. Et qui aiment les pavés de 600 pages. Et les phrases qui commencent par « moi je ». Beaucoup seront appelés mais peu seront élus.

* Pierre Assouline, qui s’y connaît mieux que moi en histoire antique, a souligné d’autres erreurs dans sa critique du Royaume : http://larepubliquedeslivres.com/lego-peplum-demmanuel-carrere/

Le Royaume, d’Emmanuel Carrère
  Éditions P.O.L., 2014
ISBN 978-2-8180-2118-7
640 p., 23,90€