Les inoubliables de Jean-Marc Parisis
Sur le papier, ce livre était fait pour moi. Comment, en partant d’une photographie d’enfants, on remonte les affres de la mémoire pour arriver à la Bachellerie, petit village de Dordogne, pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Ces cinq enfants, nés juifs, furent tous déportés avec leur famille, leurs voisins, leurs copains, juifs ou maquisards. L’auteur connaît bien ce village pour y avoir passé toutes ses vacances de jeunesse chez ses grands-parents. Mais il ne savait quasiment rien des horreurs perpétrées autrefois. Et cet ouvrage avait tout l’air d’une quête, que ce soit sur les traces de ces enfants disparus ou celle de l’auteur, à la recherche de survivants.
Jean-Marc Parisis s’en est tenu aux faits et n’a pas cherché à romancer quoi que ce soit. Les historiens pure souche l’en remercieront mais pour les amateurs de littérature, c’est un peu aride. J’aurais aimé m’attacher un peu plus aux personnes citées dans le texte. Avoir peur avec les enfants Schenkel, vibrer avec Benjamin Schupack, le survivant, sur les traces des tueries de la Bachellerie, haïr Adolphe Denoix le chef de la milice mais je suis restée quasiment insensible. Peut-être la faute au style littéraire, très journalistique, qui n’invoque pas les émotions du lecteur.
J’admire le travail de recherches fait par l’auteur. On ressent le temps de travail, la passion qui l’emporte souvent, le besoin de témoigner pour retrouver ce passé perdu pour rendre cette histoire inoubliable. Mais j’ai refermé le livre avec une impression de brouillon. Peu de descriptions, trop de personnes. J’avais la sensation parfois de lire de pures archives. Je m’attendais à ce que l’auteur s’implique un peu plus, nous livre davantage ses sentiments, à la manière de Daniel Mendelsohn dans Les Disparus.
Les inoubliables de Jean-Marc Parisis
éditions Flammarion, 2014
9782081274075
225p., 18€
Un article de Clarice Darling.
A première vue : la rentrée Flammarion 2014
Chez Flammarion, on parie également sur le resserrement cette année, avec une rentrée centrée sur six auteurs en août, un septième en septembre, quelques pointures dans le lot et la promesse d’un premier roman intrigant.
LA TÊTE D’AFFICHE : Peine perdue, d’Olivier Adam
Au départ, deux événements : une tempête qui balaie la côte, et l’agression d’un joueur de foot à la veille d’un match capital pour son équipe. Vingt-deux personnages commentent et réagissent à ces deux événements.
Olivier Adam délaisse sa veine autobiographique pour un pur roman narratif en forme d’exercice de style. Si le public est de plus en plus au rendez-vous de ses livres, la critique et un prix couronneront-ils cette fois le romancier ? Ce sera en tout cas l’un des noms importants de cette rentrée 2014.
ET MOI, ET MOI, ET MOI : Une vie à soi, de Laurence Tardieu
Si elle quitte Stock, son éditeur historique, Laurence Tardieu, contrairement à Olivier Adam, continue à creuser son sillon autobiographique. Cette fois, elle se penche à nouveau sur sa vie familiale et intime après avoir visité une exposition consacrée à la photographe Diane Arbus qui la bouleverse en lui offrant une sorte de miroir sur elle-même.
GLOBE-TROTTER IMMOBILE : En face, de Pierre Demarty
Reconnu comme traducteur (notamment de Joan Didion, J.K. Rowling, T.C. Boyle ou Karen Maitland), Demarty franchit le pas et affiche sa propre plume. Sans choisir la facilité, puisqu’il conte l’histoire d’un homme qui quitte tout pour se lancer dans un voyage immobile, seulement inspiré par la maquette d’un bateau qu’il contemple inlassablement… Avec un sujet pareil, ce sera chiant ou magique. D’après les premiers retours, la balance penche du bon côté. A voir donc !
GLOBE-TROTTER COMPULSIF : Voyageur malgré lui, de Minh Tran Huy
Avez-vous déjà entendu parler de la folie du fugueur ? Maladie, névrose, en tout cas impulsion incontrôlable, elle pousse certaines personnes à marcher de manière irrépressible, à partir en voyage n’importe où et sans que cela soit prévu. En découvrant l’existence d’Albert Dadas, premier cas reconnu de cette pathologie, Line se remémore des pans de l’histoire de sa famille, dont certains membres, opprimés ou chassés de leur Vietnam natal, ont eu un rapport complexe avec le départ ou le voyage.
ENQUÊTE : L’Écrivain national, de Serge Joncour
Autre figure régulière des rentrées littéraires, Joncour raconte l’histoire d’un écrivain en résidence d’auteur, qui se met à enquêter sur un meurtre dont est accusé un couple de jeunes gens. Ne vous attendez pas à un pur polar, on parle de Serge Joncour, plutôt connu pour ses romans pleins de verve et d’humour.
DIVAN HISTORIQUE : Un secret du docteur Freud, d’Eliette Abecassis
Sigmund Freud et sa fille Anna convoquent les membres de la Société Psychanalytique pour une réunion extraordinaire. Nous sommes à Vienne, en 1938, et la menace nazi étend son ombre sur le célèbre praticien…
PAGE D’HISTOIRE : Les inoubliables, de Jean-Marc Parisis
Réfugiée dans un village de Dordogne depuis des années, une famille juive est arrêtée et déportée en mars 1944. Un récit historique qui s’intéresse autant au drame qu’à la vie de la commune durant les années de guerre. A paraître le 17/09, un roman sans doute fort et touchant.