Debout-Payé, de Gauz
Signé Bookfalo Kill
Le titre intrigue autant que le nom de l’auteur. Suivant les explications fournies par l’intéressé à la fin de son livre, « Gauz est un diminutif de Gauzorro, déclinaison ancestrale de Gbaka », soit une partie du nom complet du romancier ivoirien, Armand Patrick Gbaka-Brédé.
Voilà pour le relativement anecdotique, passons maintenant au titre. Debout-Payé, c’est le nom que les Africains se donnent lorsqu’ils deviennent vigiles. Vous savez, ces géants noirs impassibles à l’entrée des grands magasins, devant lesquels on passe sans un regard mais que l’on craint instantanément, même si on n’a rien à se reprocher, quand le portique d’alarme sonne à notre passage.
Debout-Payé, bien qu’inégal, mérite le coup d’œil rien que pour sa construction hybride et la pertinence de ses réflexions. Le premier livre de Gauz est en effet pour moitié un roman, pour l’autre moitié un recueil de choses vues, tirées de la propre expérience de vigile de l’auteur.
Pour être la plus ambitieuse, la partie romanesque est aussi la plus fragile. A travers le parcours d’Ossiri, immigré ivoirien qui devient vigile à Paris, et en trois mouvements historiques depuis 1960 à nos jours, Gauz entreprend de raconter l’immigration africaine en France.
Un peu confus parfois, ces trois chapitres, ainsi que le prologue et l’épilogue qui les encadrent, retiennent pourtant l’attention. Ils éclairent les motivations des Africains venant tenter leur chance dans l’Hexagone, racontent avec souvent beaucoup d’humour comment les communautés se reforment, tentent en brassant beaucoup de vent de trouver un sens à leur présence (les scènes à la MECI, Maison des Etudiants de Côte d’Ivoire qui sert de foyer aux nouveaux arrivants, sont souvent hilarantes). La ligne narrative attachée à Ossiri est friable, elle permet néanmoins à Gauz de juger cette immigration des deux côtés de la barrière, du point de vue des Africains comme de celui des Français qui les « accueillent » en en faisant immédiatement une main d’œuvre bon marché et malléable à merci (surtout quand elle n’a pas de papier).
Constitués de paragraphes très brefs, les chapitres de choses vues tranchent par leur style vif, ironique, et par leur drôlerie. Autant parce que c’est leur boulot que pour tromper l’ennui frappant ces longues journées passées debout à rien faire, les vigiles développent un sens de l’observation aigu. D’une boutique Camaïeu à Bastille au Sephora des Champs-Elysées, ces coups d’œil, dont Gauz articule l’enchaînement avec soin, forment un laboratoire d’analyse des comportements humains aussi juste que réjouissant.
Par sa forme comme par son sujet, et même s’il est perfectible, Debout-Payé est l’une des curiosités de la rentrée. Bravo donc à la jeune maison le Nouvel Attila de l’avoir publié.
Debout-Payé, de Gauz
Éditions le Nouvel Attila, 2014
ISBN 978-2-37100-004-9
172 p., 17€