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Impact, d’Olivier Norek

Éditions Michel Lafon, 2020

ISBN 9782749938646

349 p.

19,95 €


Diane Meyer, psychologue spécialiste en profilage, est convoquée au 36 Bastion, le nouveau siège parisien de la police criminelle, par un autre service que celui qui l’emploie d’ordinaire. Arrivée sur place, elle découvre très vite qu’elle hérite d’une affaire hautement sensible, impliquant une discrétion absolue : sur une vidéo en direct, le nouveau PDG du groupe Total est enfermé dans une cage en verre, reliée par un tuyau à un moteur de voiture.
A l’extérieur de la cage, entouré d’activistes dont les visages sont cachés sous des masques de pandas, un homme à visage découvert dévoile la rançon très particulière qu’il réclame pour la libération du PDG.
Tandis que Diane, épaulée par le capitaine Nathan Modis, entame les négociations les plus compliquées de sa carrière, un vaste mouvement se lève, décidé à renverser les plus mauvaises habitudes de notre vieux monde occidental…


Trois.
Deux.
Un.
Impact.
DANS TA GUEULE.

Voici une autre manière de résumer le nouveau polar d’Olivier Norek.
D’ailleurs, je dis polar, mais le terme, aussi générique soit-il, convient-il réellement pour ce roman ?

Certes, tout commence par du suspense en bonne et due forme. Un enlèvement, une demande de rançon, des flics et une psy qui enquêtent…
Certes, on retrouve (avec plaisir) l’efficacité effarante du style de Norek, son sens du rythme, sa manière de camper vite et bien des personnages solides sans perdre de temps en circonvolutions interminables.
Certes, on le découvre très à l’aise dans un registre où ce sont plutôt les auteurs américains qui s’illustrent, à savoir le roman de procès ; le dernier quart du livre réserve en effet une scène de prétoire de haute volée, brillante, lyrique et survoltée.
Certes, j’ai été happé par ce livre et, comme presque tous les autres romans de l’ancien policier (à l’exception du précédent, Surface, qui m’avait un peu fait ramer), je n’ai presque rien pu faire d’autre que le lire à toute vitesse et le terminer toutes affaires cessantes.

Mais Impact est tout de même bien plus que cela. Disons plutôt qu’Olivier Norek, avec une grande intelligence et une maîtrise remarquable de son outil de travail, utilise les moyens du suspense pour développer un roman décidé à capturer l’air du temps. Un roman intelligent, furieux, et très engagé.
Déjà, dans Entre deux mondes, Norek avait témoigné de sa capacité à s’interroger sur le monde tel qu’il va, en saisissant à bras-le-corps la question des migrants. Cette fois, il va encore plus loin. Le monde est encore au cœur de ses préoccupations, mais tout autant en tant qu’entité politique qu’en tant que planète. Une planète en grand péril, en instance d’épuisement, en raison de la manière dont une minorité en exploite sans vergogne les ressources.

Je ne qualifierai pas Impact de polar écologiste, car certains risqueraient de prendre le terme de travers et de mal juger ce livre qui mérite plus que de le réduire à des querelles politiciennes de bas étage.
En revanche, c’est un livre en colère, un livre de colère, un roman intraitable sur l’état catastrophique du monde, bardé de chiffres, de données précises, d’informations détaillées, d’éléments de preuve susceptibles de donner de violentes poussées d’urticaires aux climatosceptiques et autres exploiteurs de tous bords.
C’est un réquisitoire impitoyable contre le plus vaste crime contre l’humanité qui soit, puisqu’il affecte toutes et tous et menace notre survie, à plus ou moins court terme – voire carrément très court terme, si l’on croit les analyses alarmistes que développe Olivier Norek.

Terrifiant, souvent révoltant, Impact questionne également son lecteur sur son propre engagement dans la survie de notre planète. Nous sommes nombreux, sans doute, à tenter de faire des petites choses – le tri des déchets, par exemple. Cependant, à lire ce roman, nous voilà condamnés à réaliser que nous sommes très loin du compte. Et que, si les cartes majeures ne sont pas entre nos mains, il pourrait ne tenir qu’à nous de changer la donne.
En effet, si l’ensemble du propos est d’une grande violence, Olivier Norek réserve un peu de place à l’espoir, et joue même la carte de l’utopie, en rendant crédible la possibilité d’une vaste révolte citoyenne. On pourrait lui opposer une naïveté démesurée, sans doute. Mais si l’on n’y croit pas, si l’on ne se saisit de cette toute petite chance d’envisager un monde meilleur, à quoi bon
continuer ?

Bref, en un mot comme en cent, Impact est un roman essentiel. Simple et clair dans son propos, porté par son efficacité narrative et son énergie de polar, il met à la portée de tous les lecteurs un grand nombre d’éléments de réflexion complexes.
Suffisant pour changer le monde ? Peut-être pas. Mais chaque pierre déposée sur le mur de l’espoir est indispensable à la solidité de l’édifice.

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Entre deux mondes, d’Olivier Norek

Juillet 2016. Au cœur de la Jungle de Calais, deux hommes que tout devrait opposer s’associent, d’une alliance fragile et désespérée. L’un est français, flic fraîchement débarqué dans le nord qui découvre la réalité extrêmement complexe de ce no man’s land invraisemblable ; l’autre est syrien, ancien policier lui aussi, excellent agent de la police militaire de Bachar el-Assad qui œuvrait dans l’ombre pour l’Armée Syrienne Libre, et qui cherche éperdument sa femme et sa fille envoyées vers la France quelques semaines avant lui.
Ensemble, ils vont tout faire pour tenter de sauver Kilani, un enfant soudanais que la mort menace à chaque instant…

Norek - Entre deux mondesEn trois romans – Code 93, Territoires et Surtensions -, Olivier Norek s’est imposé avec force dans le monde du polar. Solidement appuyé sur ses connaissances de terrain, cet ancien policier a rapidement fait ses preuves d’écrivain, en racontant ses histoires avec une efficacité narrative admirable, un art de la construction romanesque remarquable et une capacité à créer des personnages costauds et inoubliables.
En développant les enquêtes du commandant Victor Coste et de ses adjoints au cœur d’une Seine-Saint-Denis qu’il connaissait comme sa poche, Norek s’était créé une zone de confort dans laquelle il évoluait avec aisance. On pouvait se demander ce qu’il vaudrait en quittant cet espace privilégié pour d’autres décors et d’autres problématiques. Dans son propre intérêt de romancier sans doute, il n’a pas tardé à se lancer ce défi. Le résultat s’appelle Entre deux mondes, et il est immense.

Oui, Entre deux mondes est un fabuleux polar. La maestria narrative d’Olivier Norek y est intacte, qui vous embarque dès les premières pages pour ne pas vous lâcher jusqu’à la fin. J’aurais sans doute du mal à citer un autre auteur capable de se montrer aussi efficace en ne lâchant rien sur l’élégance du style – fluide, d’une simplicité choisie qui ne cède jamais à la facilité – ni sur l’ambition de développer une histoire complexe en multipliant intrigues et personnages sans jamais perdre son lecteur.
Les fils attachés à Bastien et sa famille, Adam et sa famille – les deux se répondant en miroir -, au petit Kilani mais aussi à de nombreux personnages secondaires tout aussi bien campés et passionnants, forment une pelote homogène d’où émerge une réflexion bouleversante sur la force des relations familiales, ainsi que de multiples points d’entrée sur la question épineuse des migrants dans le monde en général, et en France plus particulièrement.

Car Entre deux mondes est avant tout une plongée hallucinante dans l’enfer de la Jungle de Calais, espace de non-droit improbable dont Norek, qui est allé y enquêter avant son démantèlement, donne à voir toute la complexité en tentant de comprendre et de nous faire comprendre comment on a pu en arriver là. Il en raconte l’organisation interne, la violence ordinaire, les injustices terrifiantes comme la volonté de tenter d’y préserver un semblant d’humanité, voire de banalité quotidienne ; il évoque aussi le travail extraordinaire des associations humanitaires qui font leur possible pour aider ces milliers de gens en détresse, parqués sur un immense terrain vague qui n’avait pas pour vocation de devenir une prison à ciel ouvert pour y cantonner la misère de la planète.

Avec Entre deux mondes, Olivier Norek s’impose clairement comme un auteur incontournable, créateur de suspense virtuose qu’il met au service d’un regard plein d’acuité sur la frénésie, la violence et la cruauté de notre monde, tout en se défendant de ces dernières par une empathie dingue pour des personnages profondément attachants. Un alliage imparable qui tout à la fois cogne et enthousiasme le lecteur, pour le laisser K.O. de bonheur polardesque, et peut-être un peu plus concerné par ce qui l’entoure. Bref, si je n’ai pas été assez clair sur les précédents romans du gars, je conclurai sans ambiguïté : Norek est un auteur à ne manquer sous aucun prétexte.

Entre deux mondes, d’Olivier Norek
Éditions Michel Lafon, 2017
ISBN 978-2-7499-3226-2
413 p., 19,95€