À première vue : la rentrée Zulma 2020

Intérêt global :
Zulma ! Voici l’éditeur qui annonce la fin de cette très longue présentation de rentrée littéraire, c’est donc un soulagement d’aborder son programme. Un soulagement, mais aussi et surtout une joie, car la petite maison aux splendides couvertures manque rarement de glisser objets de curiosité littéraires et pépites gracieuses dans sa production.
Cette année, deux titres seulement sont au programme. Cependant, comme l’un d’eux est signé Jean-Marie Blas de Roblès, joie et plaisir sont d’ores et déjà annoncés (du moins j’espère !) Et l’autre pourrait bien constituer une jolie découverte.
Ce qu’ici-bas nous sommes, de Jean-Marie Blas de Roblès
Pour une fois, la couverture d’un roman Zulma se fait figurative. Et pour cause, elle est signée par l’auteur en personne. Jean-Marie Blas de Roblès ajoute à sa virtuosité littéraire le plaisir de l’illustrateur, puisque tout son nouveau livre est émaillé de dessins réalisés par ses soins. Par ailleurs, le résumé du roman nous renvoie à son univers riche, inventif et volontiers extravagant.
Parole y est en effet donnée à un certain Augustin Harbour qui, dans une clinique de luxe au Chili, évoque l’aventure extraordinaire qui lui serait arrivée dans le désert du Sud libyen, quarante ans plus tôt. Il affirme y avoir découvert une oasis mystérieuse, où on aboutit sans savoir pourquoi, et dont on ignore encore plus comment en repartir. Sur place, Augustin y fait l’expérience des moeurs et habitudes singulières des échoués de l’oasis, où l’on prétend que Dieu en personne y vit.
Dans la digne lignée de Là où les tigres sont chez eux ou L’Île du Point Némo, un nouveau roman d’aventures en perspective, plein de fantaisie, d’intelligence et de surprise.
La Géante, de Laurence Vilaine
Après deux romans publiés chez Gaia, Laurence Vilain entre chez Zulma avec la montagne évoquée par la couverture. Une montagne nommée la Géante, au pied de laquelle vit Noële, en communion totale avec la nature sauvage qui l’entoure. Jusqu’à l’irruption dans sa vie de deux inconnus, qui vont l’ouvrir au désir, à l’amour, au manque et au pouvoir des mots…
BILAN
Lecture certaine :
Ce qu’ici-bas nous sommes, de Jean-Marie Blas de Roblès
Lecture potentielle :
La Géante, de Laurence Vilaine
Histoire des lieux de légende
Traduit de l’italien par Renaud Temperini
Faut-il encore présenter Umberto Eco ? Disparu en 2016, cet écrivain italien fut l’un des plus grands érudits de notre époque. Il devint immensément populaire pour ses romans, pourtant pas forcément abordables, y compris Le Nom de la Rose qui lui valut sa renommée mondiale. Mais son esprit curieux et avide de savoir a également arpenté les terres de la philosophie, de la linguistique, de la sémiotique, de l’esthétique, entre autres domaines.
Dans une collection de beaux livres illustrés avec une richesse répondant à l’abondance intellectuelle de l’auteur, les éditions Flammarion ont publié quelques livres qui rencontrèrent eux aussi un grand succès : Histoire de la laideur, Histoire de la beauté, et cette Histoire des lieux de légende dont je souhaite vous dire quelques mots.
C’est avec beaucoup d’humilité que je l’aborde, car se confronter à une intelligence aussi puissante que celle d’Umberto Eco est profondément intimidant. Mais également stimulant, car dès lors que l’on se lance, on peut être sûr d’apprendre énormément de choses, et d’ouvrir d’innombrables portes de curiosité qu’une seule vie ne suffirait pas à explorer. Ce pourrait être frustrant (ça l’est, parfois), mais c’est avant tout excitant.

George Arnald, Ruines de l’abbaye de Glastonbury
Dans cet ouvrage, plus accessible que d’autres de ses livres, Umberto Eco part donc en quête de lieux mythiques qui, depuis des siècles, fascine les écrivains, les poètes, les penseurs, les historiens, mais aussi les explorateurs de l’impossible. Et, bien sûr, les lecteurs qui, grâce aux œuvres inspirées par ces lieux, en ont abordé les rivages et arpenté les fabuleux décors.
L’Eldorado, l’Atlantide, Thulé, le Pays de Cocagne figurent parmi ces destinations extraordinaires, tout comme les territoires de la Bible, ceux croisés par Homère durant son Odyssée, ou ceux qui furent le théâtre des aventures du Graal.
Mais Umberto Eco s’intéresse également à des lieux réels, transfigurés par une page d’Histoire assortie de pas mal de fantasmes et d’imagination, comme Rennes-le-Château et son abbé Saunière.
Ou encore ce qu’il appelle les lieux de la vérité romanesque : des lieux créés par des romanciers, dont on sait qu’ils n’existent pas mais auxquels la littérature nous permet de croire sans réserve – ainsi du Poudlard de Harry Potter, du château de Dracula en Transylvanie ou du 221B Baker Street, célèbre adresse où réside Sherlock Holmes, alors même qu’il n’y a pas de numéro 221B dans la véritable Baker Street de Londres.
Chaque chapitre est éclairé d’œuvres picturales représentant les lieux évoqués, ainsi que d’extraits d’œuvres littérales qui en font la description. De quoi, là encore, donner envie d’aller voir plus loin, et de poursuivre sans limite les explorations dont Umberto Eco se fait le guide avec érudition mais simplicité, et une gourmandise intellectuelle qui incite sans réserve à partager sa table.
Envies d’enfance, de Stéphanie Rigogne-Lafranque
Signé Bookfalo Kill
Une fois n’est pas coutume sur ce blog, je vais aujourd’hui vous parler cuisine. Ne vous inquiétez pas, cela ne devrait pas se reproduire très souvent, d’abord parce qu’en général, j’ai du mal à distinguer une casserole et un fait-tout ; ensuite parce qu’un blog à dominante littéraire n’est sûrement pas le lieu le plus approprié pour chanter les louanges d’une recette, aussi appétissante soit-elle, ni pour encenser tel ou tel livre de cuisine, même s’il en existe beaucoup qui sont magnifiques, bien conçus, superbement mis en page, etc.
Envies d’enfance sort donc de l’ordinaire, précisément parce qu’il joint le littéraire au culinaire, ainsi qu’à l’artistique, de la plus jolie des manières. Entre les 55 recettes, originales ou non, qu’elle a imaginées, recréées, remaniées, Stéphanie Rigogne-Lafranque a choisi de glisser des petits textes, très bien tournés, souvent drôles ou émouvants ; des encarts qui tirent de beaux souvenirs de la mémoire du temps, jouant sur la nostalgie à petites touches, dans des évocations personnelles qui touchent pourtant tout le monde, tant il est facile de partager ces instants d’enfance que l’on peut tous avoir connus.
Cerise sur le gâteau (celle-ci était facile mais je ne pouvais pas m’en priver), Stéphanie Rigogne-Lafranque s’est associée à Junko Nakamura pour le graphisme du livre. Au lieu des traditionnelles photos qui présentent le plat terminé – dont l’image élégante et attrayante n’a en général pas grand-chose à voir avec ce que vous avez vous-même réalisé… -, l’illustratrice japonaise a imaginé des dessins pastel, poétiques et délicats, réalisés par « empreintes de papiers découpés » (dixit l’éditeur). Des petits cailloux visuels comme autant de doux clichés échappés de l’enfance : un chat qui dort près d’un vieux poële, une chasse aux coquillages sur la plage, un tricot abandonné, des jeux dans le jardin…
Quant aux recettes, dont les saveurs et les ingrédients jouent bien sûr sur le contexte enfantin voulu par leur auteur – gâteau au citron, croquettes de fromage, pancakes aux herbes, madeleines miel-amande, flans au saumon ou riz au lait… -, elles sont nombreuses à mettre l’eau à la bouche et, pour la plupart, paraissent faisables – même pour quelqu’un qui a du mal à distinguer une petite cuillère d’une fourchette à escargot.
Alors, faites-vous plaisir, plongez dans ce très beau petit livre plein de douceur et de tendresse… et régalez-vous !
Envies d’enfance, de Stéphanie Rigogne-Lafranque
Illustrations de Junko Nakamura
Éditions du Rouergue, 2013
ISBN 978-2-8126-0477-5
79 p., 18€
Suivez les aventures de ce livre sur le blog qui l’accompagne : Ma ligne de chance.
Retrouvez-le également sur le site de l’éditeur : Le Rouergue, ou sur sa page Facebook.
L’Art de Tim Burton
Signé Bookfalo Kill
Je suis au regret de vous annoncer que le livre dont je vais vous parler aujourd’hui n’est pas disponible partout. Vous ne le trouverez ni chez votre libraire préféré, ni sur les sites commerciaux en ligne comme A****n. Pire : si vous le voulez – et je comprendrais que ce soit le cas -, il vous faudra venir à Paris. Et plus précisément, à la Cinémathèque.
L’Art de Tim Burton est en effet une rareté. D’abord parce que la version française de ce catalogue a été éditée spécialement pour la Cinémathèque, à l’occasion de l’exposition consacrée au réalisateur de Sleepy Hollow qui s’y tient actuellement. Il n’est donc en vente qu’à la librairie du musée, en exclusivité, et ne sera sans doute plus disponible lorsque l’exposition sera terminée.
Rareté, ensuite, parce que c’est un livre-somme sur l’art graphique de Tim Burton. Il compile 430 pages de dessins, réalisés de toutes les manières et dans toutes les conditions imaginables – et quand on parle de Burton, ce n’est justement pas l’imagination qui manque ! On y trouve des croquis gribouillés sur des serviettes en papier ou des petits carnets, des peintures, des vignettes humoristiques délirantes, des sculptures, mais aussi des dessins préparatoires à tous ses films : personnages, décors… Tout ce qui constitue la signature visuelle extrêmement forte et personnelle de l’un des réalisateurs les plus singuliers du cinéma mondial.
Ce millier (!) d’œuvres, fascinant bestiaire hantant l’imaginaire de l’épouvantail d’Hollywood, est entrecoupé de textes ou agrémenté d’encarts signés de quelques collaborateurs emblématiques de Tim Burton : sa compagne et actrice Helena Bonham Carter, Johnny Depp bien sûr, mais aussi Danny Elfman (compositeur), John August (scénariste), Alex McDowell (décorateur), les acteurs Danny DeVito (le Pingouin dans Batman : le Défi), Martin Landau (Bela Lugosi dans Ed Wood) ou Christopher Lee (Sleepy Hollow, Charlie et la Chocolaterie, Dark Shadows…)
Bref, si vous êtes fan de l’univers de Tim Burton, voilà un ouvrage indispensable, qui mérite bien une petite balade jusqu’à la Cinémathèque ! L’expo en elle-même permet d’admirer l’essentiel des œuvres regroupées dans ce livre, ainsi que des films de jeunesse, des courts métrages inédits, quelques costumes et accessoires des films, etc.
Elle dure jusqu’au 5 août, alors si vous le pouvez, profitez-en !
Informations pratiques ici : Exposition Tim Burton à la Cinémathèque française
L’Art de Tim Burton
Éditions Steeles Publishing, 2012
Disponible en exclusivité à la Cinémathèque Française
430 p., 49 €
Également disponible en version collector limitée :
livre présenté dans un coffret, dédicacé par Tim Burton, avec une lithographie originale et signée.
249€