A première vue : la rentrée Albin Michel 2016
Ça dérape un peu chez Albin Michel ! Neuf titres français et trois étrangers rien qu’en août, c’est plus que les années précédentes et ce n’est pas forcément pour le meilleur, gare au syndrome Gallimard… Il devrait y avoir tout de même deux ou trois rendez-vous importants, comme souvent avec cette maison, que ce soit du côté des premiers romans comme des auteurs confirmés.
LE DÉMON A VIDÉ TON CERVEAU : Possédées, de Frédéric Gros
C’est l’un des buzz de l’été chez les libraires, et c’est souvent bon signe. Pour son premier roman, l’essayiste et philosophe Frédéric Gros s’intéresse au cas des possédées de Loudun, sombre histoire de possession et exorcisme de bonnes sœurs soi-disant habitées par Satan réincarné sous la forme du curé Urbain Grandier. Nous sommes en 1632, Richelieu est au pouvoir et entend mener une répression sévère contre la Réforme ; humaniste, amoureux des femmes, Grandier est une cible parfaite… Une réflexion sur le fanatisme qui devrait créer des échos troublants entre passé et présent.
L’HOMME A L’OREILLE COUPÉE : La Valse des arbres et du ciel, de Jean-Michel Guenassia
Après un précédent roman (Trompe-la-mort) moins convaincant, l’auteur du Club des incorrigibles optimistes revient avec un roman historique mettant en scène les derniers jours de Vincent Van Gogh, en particulier sa relation avec Marguerite, une jeune femme avide de liberté, fille du célèbre docteur Gachet, connu comme l’ami des impressionnistes – mais l’était-il tant que ça ? Guenassia s’inspire aussi de recherches récentes sur les conditions de la mort de Van Gogh, fragilisant l’hypothèse de son suicide… On attend forcément de voir ce que ce grand raconteur d’histoire peut faire avec un sujet pareil.
WERTHER MINUS : Lithium, d’Aurélien Gougaud
Elle refuse de penser au lendemain et se noie dans les fêtes, l’alcool et le sexe sans se soucier du reste ; Il vient de se lancer dans la vie active mais travaille sans passion. Ils sont les enfants d’une nouvelle génération perdue qui reste assez jeune pour tenter de croire à une possibilité de renouveau. Premier roman d’un auteur de 25 ans, qui scrute ses semblables dans un roman annoncé comme sombre et désenchanté.
ABOUT A BOY : Un enfant plein d’angoisse et très sage, de Stéphane Hoffmann
Ce titre, on dirait un couplet d’une chanson de Jean-Jacques Goldman, tiens ! (C’est affectueux, hein.) Antoine, 13 ans, aimerait davantage de considération de la part de ses parents, duo d’égoïstes qui préfèrent le confier à un internat suisse ou à sa grand-mère de Chamonix plutôt que de l’élever. Mais le jour où ils s’intéressent enfin à lui, ce n’est peut-être pas une si bonne nouvelle que cela… Une comédie familiale pour traiter avec légèreté du désamour filial.
QUAND NOTRE CŒUR FAIT BOUM : Pechblende, de Jean-Yves Lacroix
Deuxième roman d’un libraire parisien spécialisé dans les livres d’occasion – ce qui explique sans doute pourquoi le héros de ce livre est justement libraire dans une librairie de livres anciens (ah). A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le dit libraire tombe amoureux d’une assistante de Frédéric Joliot-Curie, mais se trouve confronté à un dilemme cruel lorsque le conflit éclate et que son patron décide d’entrer dans la clandestinité.
MEMENTO : La Danse des vivants, d’Antoine Rault
A la fin de la Première Guerre mondiale, un jeune homme se réveille dans un hôpital militaire, amnésique mais parlant couramment aussi le français que l’allemand. Les services secrets français imaginent alors de l’affubler de l’identité d’un Allemand mort et de l’envoyer en infiltration de l’autre côté de la frontière… Après Pierre Lemaitre racontant l’impossible réinsertion des soldats survivants à la fin de la guerre dans Au revoir là-haut, le dramaturge à succès Antoine Rault s’intéresse au début de l’entre-deux-guerres dans l’Allemagne de Weimar. Une démarche intéressante, pour un livre présenté comme un roman d’aventures.
AMÉLIE MÉLO : Riquet à la houppe, d’Amélie Nothomb
Nothomb n’en finit plus de se recycler, et cette année, la peine est sévère. Je l’annonce tout net, j’ai tenu cinquante pages avant d’abandonner la lecture de ce pensum sans imagination, remake laborieux d’un conte qui rejoue grossièrement Attentat, l’un des premiers livres de la romancière belge. Franchement, si c’est pour se perdre dans ce genre de facilité, Amélie devrait prendre des vacances. Ça nous en ferait.
BATTLEFIELD : Avec la mort en tenue de bataille, de José Alvarez
Le parcours épique d’une femme, respectable mère de famille qui se lance corps et âme dans la lutte contre le franquisme dès 1936, se révélant à elle-même tout en incarnant le déchirement de l’Espagne d’alors.
MON PÈRE CE HÉROS : Comment tu parles de ton père, de Joann Sfar
L’hyperactif Sfar revient au roman, ou plutôt au récit, puisqu’il évoque son père (tiens, quelle surprise). Je le laisse aux aficionados, dont je ne suis pas…
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BUFFALO SOLDIER : Brève histoire de sept meurtres, de Marlon James (un peu lu)
Cette première traduction mais troisième roman du Jamaïcain Marlon James a reçu le Man Booker Prize en 2015 et arrive en France auréolé d’une réputation impressionnante. Et pour cause, ce livre volumineux (850 pages) affiche clairement son ambition, celle d’un roman choral monumental qui s’articule librement autour d’un fait divers majeur, une tentative d’assassinat dont fut victime Bob Marley en décembre 1976 juste avant un grand concert gratuit à Kingston. En donnant une voix aussi bien à des membres de gang qu’à des hommes politiques, des journalistes, un agent de la CIA, des proches de Marley (rebaptisé le Chanteur) et même des fantômes, Marlon James entreprend une vaste radiographie de son pays.
Une entreprise formidable – peut-être trop pour moi : je viens de caler au bout de cent pages, écrasé par le nombre de personnages, le style volcanique et un paquet de références historiques que je ne maîtrise pas du tout… Ce roman va faire parler de lui, c’est certain, il sera sans doute beaucoup acheté – mais combien le liront vraiment ? Je suis curieux d’avoir d’autres retours.
RAGING BULL : Sur la terre comme au ciel, de Davide Enia
Une grande fresque campée en Sicile, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 90, qui entrelace le destin de trois générations, dont le petit Davidù, gamin de neuf ans qui fait l’apprentissage de la vie, de l’amour et de la bagarre dans les rues de Palerme. Premier roman de Davide Enia, finaliste du prix Strega, l’équivalent italien du Goncourt.
COLLISION : La Vie nous emportera, de David Treuer
Août 1942. Sur le point de s’engager dans l’U.S. Air Force, un jeune homme se trouve mêlé à un accident tragique qui bouleverse non seulement son existence, mais aussi de ses proches. Une fresque humaine et historique à l’américaine.
Racing bul et le roman des possédées me tenteraient bien ! :D
22 juillet 2016 à 19:12
Plusieurs collègues et amis libraires ont déjà lu « Possédées » et l’ont trouvé excellent, je pense qu’on va en entendre parler pas mal à la rentrée. Ca devrait être la bonne surprise de chez Albin Michel, comme cette maison en a finalement presque chaque année :)
23 juillet 2016 à 08:32
Faudra que je ne fasse comme d’habitude : éviter les livres dont on parle trop ! ;)
23 juillet 2016 à 17:21
Ce peut être une solution, en effet – au risque parfois de passer à côté de vraies pépites, ça arrive !!! Mais comme on ne peut pas être partout, il faut savoir prendre le risque :)
25 juillet 2016 à 08:45
Heureusement que la blogo est là pour nous signaler ce qu’on pourrait louper !
25 juillet 2016 à 22:34
Clairement ! La blogosphère a modifié ma façon de travailler de libraire, j’y trouve de plus en plus de choses inattendues, et il m’arrive de plus en plus souvent de lire un livre que je n’aurais pas lu sans le bon conseil d’un Yvan, d’un Smadj ou d’une belette, entre autres ;-)
28 juillet 2016 à 07:42
Ne sous estimons pas la puissance de la blogo… :D Elle peut sortir un roman des tréfonds et donner à tous l’envie de le lire.
Il m’est arrivé aussi de lire des romans que jamais je n’aurais lu en temps normal à cause des Yvan, Smadj, Stelphique et compagnie ! Des vrais dangers publics !
Et puis, grâce à nos gribouillages sur blog, tu peux sortir des conseils de lecture tout fait pour tes clients même si tu n’as pas lu le livre rien qu’en citant du Yvan ou du Smadj dans le texte :lol:
Ne me montre pas les dents, cousin, tu m’as fait aussi augmenter ma wish-list ou ma PAL ;)
28 juillet 2016 à 18:32
Je ne montre pas les dents, c’est mon sourire… comment ça, c’est hyper malsain ?!? :D
La blogosphère est immense et aussi variée que l’offre en littérature, le plus dur finalement est de dénicher les collègues les plus proches de soi… mais quand c’est fait, j’accorde beaucoup d’importance aux avis des uns et des autres. Et suis rarement déçu ! Voilà tout de même un aspect vertueux des réseaux sociaux :)
29 juillet 2016 à 22:53
Tu as le sourire du chat de ma soeur (qui était une chatte, mais ça pourrait prêter à confusion et je manquerais de respect à ma petite frangine) quand il était pas content (toujours avec nous, jamais avec elle) et qu’elle battait de la queue en nous faisant un regard de killeuse.
Oui, la blogo est large, mais tu en as qui ont beaucoup de suiveurs et qui font la pluie et le beau temps s’ils en ont envie (ou du moins, ils pourraient le faire).
Tu as les chroniques de complaisances afin de continuer à recevoir des SP parce que tu as des maisons d’éditions qui auraient tendances à te couper les SP si tu étais trop négatif, donc, ceux là, j’évite, pour les autres, oui, je fais confiance mais cela ne m’empêche pas d’être déçue des fois comme maintenant avec le « Solomon Gursky » où je passe au travers depuis quelques temps… Commencé lundi et j’en suis qu’à la p350 !
30 juillet 2016 à 17:55
Si tu dis très vite « le sourire du chat de ma soeur », ça fait « le sourire du chat du Cheshire », non ? C’est raccord, du coup :-D
La blogo est effectivement loin d’être infaillible, certains mouvements d’enthousiasme pour tel auteur ou livre relèvent parfois plus du copinage qu’autre chose, et je souscris également à ce que tu dis des chroniques de complaisance, destinées avant tout à se faire bien voir des éditeurs pour avoir des SP. Ce sont des choix à faire, et je me doute que cela pose parfois des cas de conscience à certains – ou pas, d’ailleurs…
De mon côté, je réalise la chance que j’ai de pouvoir lire tout ce que je veux, de chroniquer sans arrière-pensée, positivement, modérément ou négativement, en sachant que je le fais avant tout pour le plaisir de partager, sans souci de « gloire » virtuelle. Ce blog est éphémère, il s’arrêtera la jour où nous n’aurons plus le temps ou l’envie de l’alimenter, et ça n’aura guère d’importance ;-)
1 août 2016 à 10:34
Oui, presque le chat du Cheshire ! On pense moins à mal de suite…
Oui, certains ont des cas de conscience, d’autre pas, je m’en fiche, c’est eux que ça regarde, moi, sans SP, je suis tranquille en principe. Liberté sur le blog, tout en restant polie, et les éditeurs, ben je prends rien d’eux et je reste indépendante.
Ta fonction te permet d’avoir accès à des livres plus facilement que nous, mais au moins, tu fais pas dans la complaisance et si tu le fais, j’ai rien vu ! mdr
Sur Amazon, souvent, des critiques négatives sur un livre dont l’auteur est sympa ou que tu as aimé et voilà tout le monde qui te demande de poster une chronique positive pour le faire remonter. C’est louable mais je passe mon tour, Amazon et moi, ça reste de loin.
Rien pour la gloire non plus !
1 août 2016 à 20:34