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A première vue : la rentrée Stock 2015

Pour sa troisième année à la tête de Stock, l’éditeur Manuel Carcassonnne propose une rentrée solide quoique un peu trop riche (onze romans, neuf français et deux étrangers), où des valeurs sûres de la maison accueillent deux premiers romans, dont un aura sûrement la faveur des médias, et quelques transfuges aux noms prestigieux, dont le Britannique Nick Hornby et le romancier-psychanalyste Tobie Nathan.

Boltanski - La CacheDANS MON ARBRE IL Y A… : La Cache, de Christophe Boltanski
Si son nom vous est familier, ce n’est pas un hasard. Grand reporter au Nouvel Obs, Christophe Boltanski est aussi le fils du sociologue Luc Boltanski et le neveu de l’artiste Christian Boltanski. Ces précisions ont un sens, puisque c’est l’histoire de sa drôle de famille que livre ici le néo-romancier, en articulant son récit autour des pièces de la maision familiale à Paris. Le point de départ : la cache, un réduit minuscule où son grand-père s’est caché des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, et qui est devenu par la suite le point névralgique de la demeure. La presse sera probablement au rendez-vous de ce gros premier roman.

Giraud - Nous serons des hérosRACINES : Nous serons des héros, de Brigitte Giraud
Joli titre pour le nouvel opus de la romancière lyonnaise, qui relate l’arrivée en France d’une femme et de son jeune fils, Olivio, tous deux ayant fui la dictature portugaise. Recueillis par un rapatrié d’Algérie, ils espèrent un nouveau départ mais l’homme ne supporte pas l’adolescent. Celui-ci se lie d’amitié avec Ahmed, un immigré algérien de son âge… Un roman où amours, tensions et quêtes de soi et de son identité seront au cœur du récit.

Liberati - EvaPOMME TOMBÉE DE L’ARBRE : Eva, de Simon Liberati
Enfant, elle a posé nue pour sa mère, la photographe Irina Ionesco, souvent dans des poses érotiques qui ont fait scandale. Une expérience traumatisante qui a laissé des traces et a marqué durablement sa vie, entre jeunesse tumultueuse et procès retentissant contre sa génitrice. Depuis, récemment, elle est devenue la femme de Simon Liberati, qui lui consacre donc ce récit intime, après l’avoir croisé plusieurs fois au fil des années, et s’en être inspiré pour son premier roman alors qu’il ne la connaissait pas encore. Là aussi, presse attendue… pour de bonnes raisons, on espère.

Faye - Il faut tenter de vivreBRANCHES : Il faut tenter de vivre, d’Eric Faye
Sandrine Broussard non plus n’a pas eu la vie facile. De son enfance maltraitée, elle a eu l’idée de se venger en séduisant à la chaîne qu’elle arnaquait ensuite avant de disparaître, multipliant identités, vies et fuites. Depuis longtemps fasciné par cet femme insaisissable, le narrateur finit par la rencontrer et se lier à elle. Un roman autobiographique auquel Eric Faye tient beaucoup.

Frèche - un homme dangereuxINCENDIAIRE : Un homme dangereux, d’Emilie Frèche
Attention, sujet sensible. Ce roman met en scène un homme convainquant une femme de tout quitter, son mari et ses filles partis en Israël, pour vivre avec lui. Mais son véritable projet est de la détruire, pour la seule raison qu’elle est juive… Une œuvre post-Charlie qui pourrait faire grincer des dents.

Noiville - L'Illusion délirante d'être aiméPETIT POUCET PERDU DANS LA FORÊT DES SENTIMENTS : L’illusion délirante d’être aimé, de Florence Noiville
L’illusion délirante d’être aimé est une véritable maladie, potentiellement dangereuse, connue sous le nom de « syndrome de Clérambault », du nom du psychiatre qui l’a diagnostiquée. L’héroïne de ce roman, Laura, en souffre, accusant une ancienne amie de la harceler. Sauf que personne dans son entourage n’est témoin de rien…

Nathan - Ce pays qui te ressembleCANOPÉE : Ce pays qui te ressemble, de Tobie Nathan
Une grande fresque historique prenant pour cadre l’Egypte, dont est originaire Tobie Nathan. Suivant depuis longtemps une double carrière de psychanalyste réputé et de romancier, l’écrivain retrace à travers le parcours extraordinaire de Zohar, né dans le ghetto juif du Caire, l’histoire récente de son pays, depuis le roi Farouk jusqu’à l’islamisation grandissante de ces dernières années.

DÉRACINÉE : Sœurs de miséricorde, de Colombe Schneck
Une Bolivienne quitte son pays et sa pauvreté pour Paris, où elle espère gagner sa vie. Elle se heurte à une autre vision du monde, froide et désincarnée, notamment chez les riches qui l’emploient. Si ce roman est inspirée d’une rencontre qu’elle a faite, pour une fois Colombe Schneck ne parle pas d’elle. C’est déjà ça.

DÉRACINÉS : Les bannis, de Laurent Carpentier
C’est l’autre premier roman de la rentrée Stock. Inspiré de faits réels, il relate le bannissement, l’excommunication, l’exil et l’exploitation des membres d’une famille dans le tumulte du XXe siècle dans un texte qui oscille entre vie et mort, entre horreur et humour.

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Hornby - Funny GirlBOURGEONS : Funny Girl, de Nick Hornby
(traduit de l’anglais par Christine Barbaste)
Un grand nom de la littérature anglaise contemporaine rejoint Stock ! L’auteur de Carton jaune, Pour un garçon, Haute fidélité ou Juliet, Naked évoque les Swinging Sixties, à travers l’histoire d’une actrice, Sophie Straw, star d’une comédie à succès de la BBC dans les années 60. Un roman que l’on attend comme toujours enlevé, humain, chaleureux et drôle.

Stanisic - Avant la fêteRADICELLES : Avant la fête, de Sasa Stanisic
(traduit de l’allemand par Françoise Toraille)
Ce n’est que le second roman de Sasa Stanisic, romancier d’origine yougoslave qui vit en Allemagne, et connut un gros succès avec son premier titre, Le Soldat et le Gramophone – c’était en 2008, déjà. Cette fois, il raconte un village et ses habitants, le temps d’une nuit, avant la fête de la Sainte-Anne, moment important de la communauté.


La réparation de Colombe Schneck

Je ne connaissais rien de Colombe Schneck si ce n’est qu’elle est jolie et qu’elle est journaliste. Dans son dernier opus, Colombe Schneck s’essaye à se donner une contenance, une profondeur. Ce livre, c’est l’histoire d’une femme insouciante, gâtée par la vie et la nature, exemple typique de Parisienne bobo qui se cherche. En se tournant vers les valeurs universelles de la famille. Et quand on sait qu’une partie de la sienne a été décimée dans les camps de concentration, ça fait réfléchir. 

La Réparation est l’histoire de sa famille, notamment celle de Salomé, née en 1937, morte en 1943. Salomé est la fille de Raya, elle-même soeur de Ginda, la grand-mère de Colombe (vous suivez?) Mais Salomé, c’est aussi la fille de Colombe. L’histoire n’est qu’une boucle sans fin. Pendant 212 pages, Colombe Schneck va faire revivre sa famille disparue tragiquement. Elle va parcourir Israël, les Etats-Unis pour retrouver les témoins de cette histoire, les descendants.  

Elle s’en sort plutôt pas mal, Colombe Schneck. Il y a vraiment des passages qu’on peut couper et qui ne nous intéressent pas (notamment ses considérations de Parisienne nombriliste), il y a des baffes qui se perdent (surtout quand elle préfère bronzer au bord de la piscine de son hôtel plutôt que de partir à la rencontre d’un cousin éloigné) mais c’est intéressant de recouper le cheminement de sa famille, entre Ginda, la soeur qui s’est exilée à Paris en 1926 (donc la grand-mère de l’auteur) et les deux autres soeurs, Raya, Macha et Nahum, le frère qui n’ont pas eu le réflexe de quitter la Lituanie quand il était encore temps. Mary, leur mère, était avec eux dans le ghetto de Kovno. Raya et Macha avaient chacune un enfant, Salomé et Kalmann. Ils vivaient tous dans cet enfer du ghetto jusqu’à ce jour fatidique d’octobre 1943.

Le coup poignant qui m’a serré le coeur est le retournement de situation. Toute la fratrie était condamnée, pourtant, certains s’en sont sortis. Et ce retournement de situation, je ne m’y attendais pas. Colombe Schneck non plus. Je ne peux rien vous dire sous peine de révéler l’intrigue, s’il en est une, mais cette décision a été surprenante et bouleversante.  Jusqu’à ce que la photographie de la petite Salomé ressorte des tiroirs. 

« Salomé, petite fille de ma soeur Raya, déportée, (…) petite cousine dont il ne reste rien. »

La réparation de Colombe Schneck
Editions Grasset, 2012
9782246788942
212 p., 17€

Un article de Clarice Darling.