Imagine le reste, d’Hervé Commère

Signé Bookfalo Kill

Présentation de l’éditeur :
Dans la sacoche de cuir patiné, deux millions d’euros en liasses épaisses. Assis à l’avant de la Supercinq, les deux amis contemplent l’horizon comme on contemple une nouvelle vie. Ce sont deux caïds du nord de la France. Après des années de larcins minables, ils ont enfin pu prendre le large, en délestant plus gros qu’eux. Mais la fortune a son revers. Fred ne se doute pas que Karl, totalement vrillé par l’événement, pourrait lui jouer un drôle de tour. Karl ne se doute pas que Nino, qui les file en douce deux voitures en arrière, pourrait lui aussi s’en mêler. Et tous trois ne savent de quoi le propriétaire de la sacoche, un vrai dur du crime organisé, est capable pour récupérer la prunelle de ses yeux… Dans la sacoche de cuir patiné, il n’y a pas que des billets. Il y a surtout le point de bascule de leur vie à tous. Le début de la fin. La fin du début. Plus rien ne sera comme avant…

Alors, bien sûr, il y aurait des choses à redire. Quelques longueurs par-ci par-là. Des moments ou des rebondissements trop beaux pour être vrais. Des situations improbables – comme ce groupe de rock français, monté de toutes pièces à partir d’individualités brillantes mais ne se connaissant pas, qui devient rapidement le plus grand groupe du monde, par la grâce du producteur légendaire d’Elvis ou des Beatles (Ralph Mayerling, exceptionnel personnage secondaire).

Commère - Imagine le reste2Oui mais voilà, Imagine le reste est un roman. Tout y est permis, surtout quand c’est Hervé Commère qui tient le stylo. Je vous ai déjà dit deux fois mon admiration pour le talent de ce garçon, à l’occasion de la parution des Ronds dans l’eau en 2011, puis du Deuxième homme en 2012. Si son quatrième opus n’est pas mon préféré de ses livres – j’ai fini par devenir exigeant avec lui ! -, il reste dans la très honorable lignée des précédents, c’est-à-dire très bon.

Maître Commère y fait jouer ses points forts, que l’on retrouve avec un plaisir intact. Avant tout, il y a son amour des personnages, qu’il prend le temps de développer, d’envelopper de sa finesse psychologique et de son don pour nous les rendre familiers, terriblement humains. Comme dans les précédents romans de l’auteur, ils sont guidés par des fils invisibles que des marionnettistes farceurs tirent parfois brusquement, pour les entraîner dans des directions inattendues, donner à leurs destins des trajectoires neuves, s’amuser avec le hasard, placer sur leur route de minuscules événements qui prennent soudain une ampleur capitale.
Alors, quand il nous raconte tranquillement la fondation du fameux plus grand groupe de rock du monde, ça passe ; ça ne devrait pas tenir debout mais on y croit, parce qu’on a envie d’y croire, tout simplement. Et aussi parce qu’Hervé Commère parle si bien de musique, évoque superbement répétitions et concerts d’anthologie au point qu’on croit les avoir vécus, alors qu’il est si difficile de faire vivre la musique par les mots d’un roman. L’exploit n’est pas mince, c’est pour moi le point fort d’Imagine le reste, ce qui fait vibrer ce livre en profondeur et pour longtemps.

Puis il y a l’insistance avec laquelle Hervé Commère enfonce le clou de ses obsessions, livre après livre. A commencer par ce thème du hasard et des coïncidences, auquel il offre de nouvelles déclinaisons sans donner l’impression de se répéter. Bonheurs et malheurs de la vie tiennent souvent à peu de choses, et le romancier raconte cela comme personne. Il s’aventure également à nouveau dans ce monde des truands et des magouilleurs à l’ancienne, qui pourrait paraître suranné s’il ne parvenait pas à le rendre aussi moderne.
Dans ma chronique sur Le Deuxième homme, j’écrivais ceci : « l’auteur dispose ça et là des éléments propres au genre [du roman noir]. Des secrets, un revolver, des bolides lancés à fond sur des routes de nuit, des rendez-vous mystérieux, des mallettes pleines d’argent, des enveloppes… »
Dans Imagine le reste, comme par hasard (mais on sait maintenant que le hasard est taquin chez Hervé Commère), presque tous ces éléments y sont (avec un sac en cuir à la place des mallettes) ; et pourtant, ce n’est pas un polar, en tout cas encore un peu moins que le précédent qui s’éloignait déjà du genre. Et honnêtement, tout ceci n’est qu’une question d’étiquette et on s’en fiche un peu.

Le talent singulier et lumineux d’Hervé Commère est définitivement à découvrir ; nouvelle démonstration avec ce roman à dévorer comme on prend la route vers la mer, musique à fond et vitres ouvertes pour avaler le vent.

Imagine le reste, dHervé Commère
  Éditions Fleuve, 2014
ISBN 978-2-265-09816-9
419 p., 19,90€

La blogosphère s’enflamme pour Hervé Commère ! La preuve chez Yvan et son blog Emotions, Foumette, Scissor Girl ou Zonelivre, parmi d’autres.

8 Réponses

  1. oh oui oh oui oh oui !
    Moi je lis une chronique comme ça, je me jette sur le bouquin. Moi qui ai lu le livre, ça me donne juste envie de le relire ;-)
    Le seul point où on est pas d’accord c’est que pour moi c’est clairement son meilleur et de loin. Mais sinon, c’est comme si tu lisais dans ma tête :-)

    25 juin 2014 à 18:54

    • A partir du moment où on est d’accord pour dire que TOUS ses romans sont excellents, on a bien le droit de se disputer pour savoir lequel est le meilleur selon nous ;-)
      Merci Yvan !

      26 juin 2014 à 08:43

  2. Pingback: Imagine le reste – Hervé Commère | EmOtionS – Blog littéraire et musical

  3. Déjà noté !! ;)

    26 juin 2014 à 07:12

    • Ça ne m’étonne pas de toi ;-)
      Hâte d’avoir ton avis !

      26 juin 2014 à 08:43

      • 1. je dois l’acheter
        2. je dois le lire

        Le 1, ça va vite, mais le 2… vu la pile qui s’entasse :/

        26 juin 2014 à 14:42

      • Ah, tu n’as pas encore mis le feu à ta PAL finalement ? :p

        26 juin 2014 à 16:46

      • Non, au prix où est l’essence ! M’en faudrait trop :D

        26 juin 2014 à 19:14

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