Pour en finir avec le cinéma, de Blutch

Signé Bookfalo Kill

Pour en finir avec le cinéma, Blutch – ou plutôt un alter ego dessiné qui lui ressemble diablement – en parle en long, en large et en travers. Devant plusieurs femmes, il râle, radote, ratiocine, clame à la fois son amour et sa lassitude du Septième Art. Enfin, si j’ai bien compris, ce dont je doute. (D’ailleurs, si quelqu’un a trouvé un fil narratif dans ce galimatias, qu’il m’envoie une fusée éclairante, d’avance merci.)

Dès la première case, Blutch nous prévient pourtant en citant l’écrivain André Hardellet : « …ces scènes – et quelques autres – prennent place, naturellement, dans le film de cinéma pur que j’ai souvent rêvé de composer et qui ne raconterait pas une histoire, qui n’aurait ni commencement ni fin (…) »
A l’abri du patronage intellectuel de son prédécesseur, le dessinateur compose donc un patchwork d’images et de références, qui constituent autant d’hommages au cinéma qu’il aime. Une sorte de catalogue de cinéphile, en somme.

Au fil des pages, on croise Michel Piccoli, auquel le narrateur voue un culte immodéré ; Catherine Deneuve, Rita Hayworth, Burt Lancaster, Orson Welles, Visconti… L’apparition la plus étrange revenant – est-ce bien étonnant – à Jean-Luc Godard, croqué en pêcheur taciturne de poissons desséchés.
Le dessinateur reprend également des scènes illustres : la valse du Guépard, King Kong, le dialogue Bardot-Piccoli du Mépris ; à d’autres moments encore, on soupçonne d’autres références, plus obscures – pour moi en tout cas.

Et donc, comme tout cinéphile qui se respecte lorsqu’il masturbe sa science, Blutch finit par devenir aussi chiant qu’incompréhensible. Son propos est décousu et devient vite abscons. On dirait l’un des derniers films de Godard. Je dis ça, je ne suis pas objectif, je n’ai jamais aimé Godard – ce qui m’interdit sans doute de prétendre moi-même au titre de cinéphile. Tant mieux, je n’y tiens pas plus que ça, je préfère aimer le cinéma à ma façon, loin des chapelles, des théories et des ergotages.
D’un point de vue graphique, j’ai un peu de mal à saisir le sens des variations chromatiques choisies par l’auteur ; à intervalles réguliers, en effet, une nouvelle couleur dominante nimbe l’ensemble des cases… Au début, j’ai cru que c’était pour marquer les changements de séquence, mais non. Pour autant, le résultat n’est pas laid, et le trait de Blutch bien présent, singulier, plein de caractère. C’est déjà ça.

Il est très probable que, tôt ou tard, les Inrocks s’extasient sur Pour en finir avec le cinéma. J’aurai alors la confirmation définitive que cet album n’était pas pour moi. Ou qu’il incarne tout ce que je n’aime pas au sujet du cinéma : beaucoup de bavardage et de considérations intellos pour pas grand-chose.

P.S. : oui, vous avez le droit de trouver la couverture un peu effrayante… Si j’étais Ava Gardner, je ne serais pas très contente de ressembler à Jim Morrison sous acide !

Pour en finir avec le cinéma, de Blutch
Editions Dargaud, 2011
ISBN 978-2-205-06702-6
80 p., 19,95€

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