À première vue : la rentrée Globe 2021
Intérêt global :
Rentrée littéraire ou pas, les éditions Globe poursuivent leur petit bonhomme de chemin avec une constance et une rigueur qui forcent l’admiration, faisant notamment preuve d’un flair certain pour acquérir les droits de livres récompensés ensuite de prix littéraires prestigieux. C’est encore le cas cette année, avec un premier roman lauréat du Booker Prize 2020.
Les deux titres proposés en ce début d’automne 2021 semblent un peu plus « classiques » à première vue que ceux de la rentrée précédente, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils seront moins puissants. L’un et l’autre, dans des styles et décors très différents, parleront de la force de la filiation lorsque les conditions de vie deviennent extrêmes.
Shuggie Bain, de Douglas Stuart
(traduit de l’anglais (Écosse) par Charles Bonnot)

Glasgow, années 80. Shuggie Bain, à huit ans, reste le seul soutien de sa mère qui sombre dans l’alcool pour oublier ses rêves et l’enchaînement de tristes circonstances qui l’a jetée aux portes de la misère. Victime de harcèlement, le petit garçon doit cependant composer avec ses propres problèmes, ce qui ne l’empêche de tenir coûte que coûte à aider sa mère.
Lauréat du prestigieux Booker Prize en 2020, ce roman d’amour filial et de misère quotidienne s’inscrit dans cette veine sociale britannique qui fait immanquablement penser à Ken Loach.
L’Ours, d’Andrew Krivak
(traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié)

Rien à voir avec le film éponyme de Jean-Jacques Annaud, même si cette première traduction d’Andrew Krivak nous entraîne en pleine nature, dans une maison au bord d’un lac où vivent un homme et sa fille. Ce sont des survivants, les seuls à la ronde. Autour d’eux, il n’y a que les montagnes, les rivières, les forêts, les oiseaux, et ces traces d’ours que le père évoque si souvent dans ses récits.
Au fil des mois, il apprend à sa fille tout ce qui lui sera utile pour vivre en harmonie avec la nature, leur seule amie, et pour être prête à tenir lorsque viendra le jour où il ne sera plus là.
BILAN
Lectures probables :
L’Ours, d’Andrew Krivak
Shuggie Bain, de Douglas Stuart
À première vue : la rentrée Gallmeister 2021
Intérêt global :
Lors de la rentrée 2020, les éditions Gallmeister avaient tout balayé sur leur passage avec le phénomène Betty, l’une de ces révélations portées autant par la presse que par les libraires et un bouche-à-oreille démentiel, dont la maison a le secret.
Depuis, Gallmeister a élargi son célèbre catalogue jusqu’alors exclusivement anglo-saxon à d’autres langues et d’autres nationalités, tout en s’efforçant de suivre sa ligne éditoriale, où la nature joue souvent une place prépondérante. Ce qui nous vaut cette année, en plus des trois habituels titres américains, une nouvelle plume allemande.
Si le programme 2021 semble dépourvu d’une pépite aussi affolante que Betty (en même temps, un miracle pareil ne saurait se reproduire tous les ans, cela finirait par devenir suspect !), il faudra tout de même garder un œil sur le premier de la liste ci-dessous, qui a ses propres arguments à faire valoir.
True Story, de Kate Reed Petty (lu)
(traduit de l’américain par Jacques Mailhos)

Talentueuse mais solitaire, Alice Lovett prête sa plume pour écrire les histoires des autres. Pourtant elle reste hantée par la seule histoire qui lui échappe : sa propre vie. Une simple rumeur, lancée en ce lointain été 1999 par deux ados éméchés, a embrasé en un rien de temps toute la communauté. Que s’est-il réellement passé sur la banquette arrière de cette voiture alors que les garçons ramenaient Alice, ivre et endormie, chez elle ? Accusations, rejets, déni, faux-semblants… la réalité de chaque protagoniste vacille et reste marquée à tout jamais.
Pour raconter cette histoire où fiction et réalité se cognent violemment, Kate Reed Petty choisit de varier à l’envi (mais sans excès) formes et genres littéraires, alternant entre roman de campus, thriller psychologique et récit horrifique, entre narration classique, échanges de lettres ou scénarios.
Si cette créativité formelle peut faire penser à Marisha Pessl (Intérieur nuit – une comparaison évidemment flatteuse pour moi), elle permet à l’auteure de traiter avec subtilité du thème de la rumeur et de ses conséquences sur la vie de ceux qui en ont été victimes, acteurs ou témoins.
Par ailleurs, True Story s’avère une lecture hyper addictive, un page-turner doté d’une vraie force littéraire. Grâce à cet excellent livre, Gallmeister a encore une fois de quoi marquer la rentrée américaine de son empreinte.
Les dents de lait, de Helene Bukowski
(traduit de l’allemand par Sarah Raquillet et Elisa Crabeil)

Si son patronyme évoque un célèbre auteur américain, Helene Bukowski est pourtant allemande, et fait donc son entrée dans le catalogue élargi de Gallmeister avec son premier roman aux airs de dystopie.
Edith et sa fille Skalde vivent dans un village qui, après avoir fait sauter le dernier pont qui le reliait au reste du monde, reste désormais en autarcie, espérant ainsi se prémunir de l’effondrement annoncé de la civilisation.
Un jour, pourtant, Skalde découvre une fillette rousse inconnue dans une clairière et, contre toute prudence, la ramène chez elle.
L’adolescente et sa mère n’étant déjà pas en odeur de sainteté dans le village, il est à craindre que l’heure de la chasse aux sorcières ait sonné..
La Cité des marges, de William Boyle
(traduit de l’américain par Simon Baril)

Après avoir été le numéro 1000 de la collection Rivages/Noir avec Gravesend, son premier roman, William Boyle a rejoint l’écurie Gallmeister, chez qui il publie son quatrième titre de rang.
Un roman noir ancré à Brooklyn, comme les précédents, dans lequel Donnie Parascandolo, un flic corrompu, fait le sale boulot pour un truand local. Parfois, le sale boulot ne se passe pas très bien, comme avec ce type qui, finalement, ne savait pas nager – mais ce n’est pas le genre de choses qui empêche Donnie de dormir.
Pourtant, des années plus tard, un gamin que Donnie avait tabassé découvre une vérité troublante qui l’amène à changer de vie.
Le Cercueil de Job, de Lance Weller
(traduit de l’américain par François Happe)

Alors que la Guerre de Sécession fait rage, Bell Hood, jeune esclave noire en fuite, espère gagner le Nord en s’orientant grâce aux étoiles. Le périple vers la liberté est dangereux, entre chasseurs d’esclaves, militaires des deux armées et autres fugitifs affamés qui croisent sa route.
Jeremiah Hoke, quant à lui, participe à l’horrible bataille de Shiloh dans les rangs confédérés, plus par hasard que par conviction. Il en sort mutilé et entame un parcours d’errance, à la recherche d’une improbable rédemption pour les crimes dont il a été le témoin.
Deux destinées qui se révèlent liées par un drame originel commun, emblématique d’une Amérique en tumulte.