
Intérêt global :

Chez Minuit, on sort la grosse artillerie. Traditionnellement, la maison historique publie peu, s’autorisant même à ne pas participer à la rentrée littéraire si aucun texte n’est prêt.
En cette année particulière, le hasard veut que deux des plus grands noms du catalogue à l’étoile bleue proposent leur nouveau livre en même temps.
Histoires de la nuit, de Laurent Mauvignier
Considéré comme l’un des meilleurs écrivains français contemporains, adulé par certains, Laurent Mauvignier fait aussi partie de ces auteurs à qui l’on promet le Goncourt à chaque nouvelle parution, et qui ne l’a jamais. À tort ou à raison, zat is ze question.
Quatre ans après l’excellent Continuer, revoici donc Mauvignier, avec un roman dont le résumé laisse penser à un thriller (!), impression renforcée par un titre évoquant un conte macabre… Nous sommes à la Bassée, un bourg réduit à sa plus simple expression, quelques maisons disséminées dans la nature. (Rien à voir donc avec la ville du nord qui porte le même nom et compte plus de 6000 habitants (merci l’ami Wiki)). N’y vivent qu’une famille, Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, et une artiste prénommée Christine. Ce petit monde s’active à préparer la fête célébrant les 40 ans de Marion. Mais des inconnus sont surpris en train de rôder autour du hameau…
Dit comme ça, ça fait un peu envie, hein ? Bon, j’ai eu le texte. Je l’ai ouvert. J’ai essayé de lire la première phrase, qui doit faire une quinzaine de lignes. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois avant d’en comprendre le sens. Trop d’incises, trop de complications, trop de tours et détours qui visent à faire comprendre la confusion de l’héroïne en provoquant celle du lecteur. D’entrée de jeu, même si je comprends l’intention, ça me gonfle, j’avoue.
Il faudra peut-être s’acharner, Mauvignier après tout n’a jamais été un écrivain « facile ». Mais ce genre de procédé, oui, parfois, ça me fatigue, désolé. J’espère revenir dans quelques semaines en disant que son roman, au bout du compte, est formidable (ce que son résumé inattendu, encore une fois, peut laisser espérer). Il faudra juste que je me fasse un peu violence.
Les émotions, de Jean-Philippe Toussaint
Toussaint aime bien les cycles. Après la tétralogie M.M.M.M. (comme Marie Madeleine Marguerite de Montalte, la femme au centre de ce projet littéraire en quatre saisons), le voici qui déroule une suite consacrée à Jean Detrez, un agent de la Commission Européenne que l’on a découvert l’année dernière dans La Clé USB. Le voici qui s’interroge sur la distinction entre avenir public, qui peut s’étudier sur une base scientifique, entre avenir privé, qui convoque des sensations beaucoup plus volatiles et incertaines.
Et pour en savoir plus, et tâcher d’y comprendre quelque chose, il faudra lire le livre. (Non, je ne fais du teasing facile, je ne l’ai pas lu. Et n’ai pas tellement l’intention de le faire, d’ailleurs, ayant déjà zappé le précédent.)
17 juillet 2020 | Catégories: A première vue, Romans Francophones | Tags: 2020, A première vue, avenir, éditions de Minuit, émotions, bourg, Cannibales Lecteurs, clé USB, commission européenne, continuer, fonctionnaire, histoires, histoires de la nuit, inconnus, Jean Detrez, Jean-Philippe Toussaint, la Bassée, Laurent Mauvignier, littérature française, Minuit, mystère, nuit, privé, public, rentrée littéraire | 1 commentaire

Intérêt global :

Cette année, les éditions Métailié – qui explorent la littérature étrangère avec talent et diversité, notamment la littérature sud-américaine – abordent la rentrée littéraire avec trois romans, soit moitié moins que les années précédentes. Et ce n’est pas un mal ! D’autant que ces trois livres paraissent agités, vivants, délicieusement singuliers. L’un d’entre eux me rend violemment curieux et très, très impatient (enfin !!!)
À première vue, donc, une très belle rentrée !
Tupinilândia, de Samir Machado de Machado
(traduit du portugais (Brésil) par Hubert Tézenas)
Ma longue expérience de libraire m’a enseigné que les bandeaux, en plus d’emmerder le monde (ils se déchirent, gênent durant la lecture, passent leur temps à glisser et à se barrer des livres), sont l’équivalent du miel pour les mouches : des attrape-gourmands, bien sucrés, bien collants, qui ne tardent pas à peser sur l’estomac pour peu qu’on en abuse, voire à vous écœurer.
Riche de ce savoir durement acquis, il ne me viendrait évidemment pas à l’idée de frétiller comme un goujon en lisant ceci : « Entre Orwell et Jurassic Park, un blockbuster littéraire ». Il y a dans cette accroche à peu près tout ce qui peut m’agacer. Des raccourcis invraisemblables, une formule qui ne veut pas dire grand-chose…
Bien entendu, je meurs d’envie de le lire. En vrai, hein. Sans blague.
Parce que, comme un crétin, quand on m’appâte avec du Jurassic Park et du Orwell, je n’ai qu’une envie, foncer tête baissée. Surtout quand on y ajoute une couverture magnifique – et même si le résultat, au bout du compte, ne ressemblera sans doute ni à l’un, ni à l’autre…
En voici le résumé, que je vous livre tel qu’il a été proposé par l’éditrice :
Tupinilândia se trouve en Amazonie, loin de tout. C’est un parc d’attractions construit dans le plus grand secret par un industriel admirateur de Walt Disney pour célébrer le Brésil et le retour de la démocratie à la fin des années 1980. Le jour de l’inauguration, un groupe armé boucle le parc et prend 400 personnes en otages. Silence radio et télévision.
Trente ans plus tard, un archéologue qui ne cesse de répéter à ses étudiants qu’ils ne vont jamais devenir Indiana Jones revient sur ces lieux, avant qu’ils ne soient recouverts par le bassin d’un barrage. Il découvre à son arrivée une situation impensable : la création d’une colonie fasciste orwellienne au milieu des attractions du parc dévorées par la nature.
À la tête d’une troupe de jeunes gens ignorant tout du monde extérieur qu’ils croient dominé par le communisme, il va s’attaquer aux représentants d’une idéologie qu’il pensait disparue avec une habileté tirée de son addiction aux blockbusters des années 1980.
Patagonie route 203, d’Eduardo Fernando Varela
(traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry)
La Patagonie, en soi, n’est pas le territoire le plus hospitalier du monde. Alors, quand on l’aborde en empruntant uniquement ses routes secondaires, on s’expose à de drôles d’aventures. C’est pourtant ce que choisit de faire Parker, saxophoniste de son état, qui parcourt les paysages rugueux de la région au volant de son camion. Un périple qui l’amène à rencontrer la faune locale, tout aussi rêche et déglinguée que son environnement.
Dépaysement et extravagance sont au programme de ce premier roman argentin, promesse rafraîchissante de singularité et d’humour décalé.
La Danse du Vilain, de Fiston Mwanza Mujila
Très remarqué grâce à son premier roman, Tram 83, Fiston Mwanza Mujila renoue avec sa langue bariolée pour nous entraîner dans une ronde infernale et joyeuse, entre l’Angola en guerre et le Congo qui devient Zaïre. On y croise des gamins des rues, dont Sanza, échappé de sa famille pour vivre à fond cette nouvelle vie d’aventures, entre menus larcins, escapades cinématographiques et voyages improbables. Mais aussi des chercheurs de diamants, un écrivain autrichien lesté d’une valise pleine de phrases… et d’autres figures, que l’on retrouve tous à la nuit tombée au « Mambo de la fête », une boîte de nuit où l’on abandonne à la furie de la Danse du Vilain…
BILAN
Lecture certaine :
Tupinilândia, de Samir Machado de Machado
Lectures probables :
Patagonie route 203, d’Eduardo Fernando Varela
La Danse du Vilain, de Fiston Mwanza Mujila
17 juillet 2020 | Catégories: A première vue, Romans Etrangers | Tags: 2020, A première vue, Amazonie, Angola, écrivain, barrage, Brésil, camion, Cannibales Lecteurs, colonie, communisme, Congo, danse, diamants, Eduardo Fernando Varela, explorateur, fasciste, Fiston Mwanza Mujila, guerre, Indiana Jones, Jurassic Park, la danse du vilain, littérature étrangère, Métailié, Orwell, otages, parc d'attractions, Patagonie, Patagonie route 203, rentrée littéraire, Samir Machado de Machado, saxophoniste, tram 83, Tupinilândia, vilain, Walt Disney, Zaïre | 6 Commentaires